25 avril 2017

Un répit



            
Platier, 25 avril

Ceux qui sont attachés au grand dessein européen ont ressenti, dimanche soir, un immense soulagement. Ne nous leurrons pas. Le candidat arrivé en tête l’a emporté non pas à cause mais en dépit de son engagement pour l’Europe. Ce succès n’est qu’un répit. Le consolider dans la durée suppose un double effort des dirigeants de l’UE, d’autant plus difficile, et hélas improbable, qu’il ne bénéficierait pas, au moins au départ, du soutien des peuples. Double effort car il devrait porter à la fois sur le contenu et la présentation des politiques, la présentation ayant autant d’importance que le contenu.
Les politiques d’abord. Il s’agit de combiner disciplines et solidarité quitte à passer par des affrontements qui seraient préférables à la présente atonie. Les réformes imposées aux pays du Sud devraient être accompagnées d’un effort collectif portant à la fois sur l’investissement et la recherche et sur la prise en charge des victimes de la mondialisation. Les instruments existent, notamment le fonds d’adaptation à la mondialisation, à la création duquel je ne suis pas étranger,  mais sont sous-dotés. Sans un budget alimenté par de vraies ressources propres, l’avenir de la zone euro demeure incertain. La solidarité dans le cadre des Vingt-sept qui se manifeste à travers les fonds structurels devrait être conditionnelle. Les Etats se refusant à respecter les règles communes, par exemple l’accueil des réfugiés demandeurs d’asile, ou s’écartant des normes définissant l’Etat de droit, devraient subir les conséquences d’un comportement contraire aux exigences découlant des traités.  
La présentation des politiques. Il serait vain de prétendre relancer l’Union ou la refonder si devaient se poursuivre des pratiques qui ont conduit, en parallèle avec l’insuffisance des politiques, à rendre l’Europe impopulaire. Deux exemples. La mise en cause récurrente des directives ayant pour objet la protection des consommateurs, de la santé ou de l’environnement tend à occulter la contribution de la législation européenne à une qualité de vie sans égale dans le monde. On oublie de préciser que les abus technocratiques, les exigences tatillonnes proviennent le plus souvent d’interprétations abusives des bureaucrates nationaux. Autre exemple, le dumping social auquel donne lieu la règlementation relative aux travailleurs détachés provient, pour une large part, de fraudes que les Etats, la France notamment, négligent ou ne se donnent pas les moyens de réprimer. L’intégration européenne est une entreprise difficile. Confrontée à de multiples crises, elle va à l’encontre d’un sentiment populaire de méfiance qui offre un terrain propice à toutes les démagogies. Défendre l’Union, illustrer ses bienfaits, reconnaître et corriger ses erreurs et ses échecs, devraient être en tête de l’agenda des institutions. La citoyenneté européenne a été proclamée. Il reste à l’enseigner et à l’illustrer en montrant comment elle complète et enrichit les citoyennetés nationales. Comme le disait Cavour à propos de l’Italie,  nous avons fait l’Europe, il reste à faire des Européens.

17 avril 2017

Une offre déséquilibrée



Paris, 17 avril
Sur onze candidats, un seul a approuvé le traité constitutionnel européen en 2005 et soutient aujourd’hui les institutions européennes. D’improbables petits candidats tiennent un discours incroyablement simpliste et unilatéral qui donne à la campagne une tonalité chauvine qui ne correspond pas à la réalité des diverses opinions. Si l’on en croit les sondages, nous pourrions avoir à choisir, le 7 mai, entre deux candidats favorables à une sortie de l’euro et de l’UE. Jusqu’à présent, ni les autres candidats, ni les observateurs n’ont fait l’effort de décrire les conséquences économiques, financières, sociales et géopolitiques d’une rupture avec un cadre certes contraignant mais qui nous a évité les dérapages auxquels nous avait si souvent conduits notre penchant national aux aventures et aux illusions.         

13 avril 2017

Les conditions du succès d'une Europe à plusieurs vitesses



De plus en plus nombreux sont ceux qui fondent l’espoir d’une relance du projet européen dans l’acceptation d’une différenciation dans l’intégration prenant la forme d’une avant-garde. Pour que ce projet ait des chances d’aboutir, plusieurs conditions doivent être réunies auxquelles ses promoteurs devraient prêter attention. Parmi ces conditions, j’en discerne au moins quatre : pas de sélection, capacité de décision, éviter la multiplication des institutions, intégrer la défense.
La seule sélection envisageable est celle de la volonté. Tout Etat membre désireux de participer à l’avant-garde doit y être admis dès lors qu’il en accepte les objectifs. Les pays qui aujourd’hui s’écartent des principes de l’UE ou les contestent auront leur place dans l’avant-garde quand ils auront abandonné leur posture actuelle de rejet. Affirmer cela serait un moyen judicieux de leur faire comprendre qu’à persévérer ils s’excluront eux-mêmes du projet européen.
L’avant-garde n’en serait pas une si elle ne disposait d’une capacité décisionnelle supérieure à celle de l’actuelle UE. Cela implique la généralisation des décisions à la majorité qualifiée. Tout pays désireux de participer à l’avant-garde devrait accepter ce principe.
L’utilisation systématique des procédures de différenciation positive prévues dans les traités, coopération renforcée, coopération structurée pour la défense préparerait une phase ultérieure, celle d’une union politique réunissant les pays participant à ces diverses coopérations. Cette union qui devrait être ratifiée par referendum comprendrait les pays dont la réponse aurait été positive.
Plutôt que de multiplier les institutions, il devrait être possible de faire vivre l’avant-garde et même l’union politique appelée à lui succéder au moyen des institutions actuelles. Cela supposerait sans doute la possibilité pour le Parlement de siéger en formation restreinte ne comprenant que les députés de pays appartenant à l’avant-garde. Le problème ne devrait pas se poser pour la Commission et pour la Cour de Justice dont les membres sont indépendants des Etats. Une modification du mode de désignation (par le président et approbation du Parlement) et une réduction du nombre des commissaires permettrait de pallier le risque de confusion tout en maintenant un lien étroit avec les Etats ne participant pas à l’avant-garde.
Enfin la défense devrait être le plus possible intégrée aux autres domaines d’intégration. Une défense européenne ne se conçoit qu’au service d’une politique européenne. Elle ne peut s’abstraire des autres aspects des relations extérieures de l’Union. C’est pourquoi la conclusion d’accords ad hoc avec le  Royaume-Uni devrait être préférée aux projets parfois évoqués de traité sans lien avec les autres politiques.