Au
moment où un nouveau chef d’Etat français entend contribuer à la refondation de
l’Europe, il est intéressant de rapprocher trois ouvrages récemment
publiés : Sauver l’Europe
d’Hubert Védrine (Editions Liana Levi), pour
quelques étoiles de plus de Jean-Dominique Giuliani (Lignes de repères) et Où va le monde ? (Odile Jacob) de
Pascal Lamy et Nicole Gnesotto, avec Jean-Michel Baer. Les deux premiers se
limitent à une centaine de pages, le troisième présente en 235 pages un tableau
d’ensemble des principales questions de géopolitique de l’Europe et du monde. (
Voir ma note de lecture de décembre ) D’abord
une pause destinée à prendre acte du mécontentement des peuples, ensuite une
conférence refondatrice réunissant les Etats volontaires afin de dresser un
bilan et de déterminer les domaines où serait évidente la valeur ajoutée
européenne. Se référant à la formule delorienne de la fédération
d’Etats-nations, Hubert Védrine fustige bien inutilement la petite cohorte des
militants fédéralistes à qui il attribue curieusement une influence et une
responsabilité qu’ils n’ont jamais eues. Il plaide pour une alliance de défense
ouverte au Royaume-Uni en dépit du Brexit et pour un assainissement des
finances publiques françaises condition d’une vraie entente avec l’Allemagne.
Pascal
Lamy, ancien commissaire européen et ancien directeur général de l’Organisation
mondiale du commerce et Nicole Gnesotto présidente du conseil d’administration
de l’Institut des hautes études de défense nationale sont de parfaits
connaisseurs des crises qui secouent l’Europe et le monde, l’un plus
économiste, plus rationnel, plus optimiste, l’autre plus orientée vers la
géopolitique et fondant son pessimisme sur la conviction que les passions
l’emportent sur la raison. Les deux premières parties traitent de l’état du
monde. Elles se présentent sous la forme d’un dialogue. La troisième intitulée l’Europe au défi du monde est attribuable indistinctement aux trois
auteurs. Affaiblie par le primat des intérêts nationaux sur l’intérêt commun, l’Union est
incapable de répondre efficacement aux
défis qui s’accumulent, depuis la crise financière jusqu’au terrorisme,
à l’impérialisme poutinien, à la crise migratoire, sans oublier le défi
climatique et les troubles résultant des insuffisances d’harmonisation en
matière fiscale et sociale. Un narratif nouveau, celui de l’Europe civilisant
la mondialisation, suppose un retour au scénario suivant lequel l’intégration économique
doit aboutir à l’existence politique de l’Europe.
Jean-Dominique
Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, dans son opus sous-titré Quelle politique européenne pour la
France ? approuve le projet de conférence refondatrice d’Hubert
Védrine et plaide en faveur d’une politique européenne plus active de la France
recourant aussi bien à la méthode intergouvernementale que communautaire.
Politique de l’asile, répartition des réfugiés, soutien à l’investissement,
renforcement de la zone euro par la mise en place d’un trésor et d’un budget,
portabilité des droits, autant de sujets appelant un sursaut de volonté
européenne. Le président de la Fondation Schuman se distingue par la vigueur de
sa dénonciation de la tentative qu’il prête à François Hollande d’avoir tenté
de contourner l’Allemagne par une coalition avec les pays du Sud, par une
proposition d’harmoniser les taux français et allemands d’impôts sur les
sociétés et par l’importance qu’il attache aux questions de défense. Sur ce
dernier point, il préconise, en dépit du Brexit, la conclusion d’une alliance
tripartite entre France, Allemagne et Royaume-Uni qui soit compatible et complémentaire
de l’alliance atlantique mais sans lien juridique avec l’Union européenne.
L’élection
d’Emmanuel Macron venant après les craintes suscitées, notamment en Allemagne,
par le programme de Marine Le Pen crée une fenêtre d’opportunité en faveur
d’une relance / refondation conçue de manière à renforcer et à rendre plus
visible le concours des politiques européennes au bien-être des citoyens.
Retenons de Védrine la nécessité d’une clarification, de Giuliani celle d’une
protection, de Gnesotto et Lamy celle d’un narratif nouveau. A la surprise de
nombreux observateurs, l’engagement européen de Macron ne lui a nui en rien.
Mieux encore, ce fut un élément de son succès sur une Marine Le Pen portant
comme un boulet la sortie de l’euro.
Pour
peu que les nouveaux dirigeants français parviennent à mettre en œuvre leur
programme de réformes et d’assainissement, la voie sera ouverte pour une
nouvelle étape d’intégration dans le cadre de la zone euro. Sachons cependant
que tout appel à la solidarité allemande suppose, de la part de la France, un
sacrifice de souveraineté. Ce pourrait être l’occasion de progrès parallèles en
matière de sécurité intérieure et extérieure car le processus d’union forme un
tout indissociable, ce qui ne peut exclure des différenciations en fonction de
la volonté et de la capacité de chacun.
Gardons-nous
cependant d’un excès d’optimisme. Le vote populiste est minoritaire mais
n’a pas disparu en Autriche, aux Pays-Bas comme en France. De nouvelles
déceptions lui donneraient de nouvelles chances. En revanche une Europe
répondant aux aspirations des peuples retrouverait sa capacité de contribuer à
réduire, par son exemple, les désordres du monde.
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