Paris, 1er décembre. Les fédéralistes ont toujours affirmé que l’union monétaire demeurerait fragile tant qu’elle ne prendrait pas appui sur une union politique. La crise actuelle en apporte une éclatante confirmation. Elle trouve son origine dans l’inexistence d’un budget commun de nature à soutenir la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté, dans l’incapacité des institutions à faire respecter le pacte de stabilité dont même l’Allemagne s’est un moment exonérée pendant que tous mettaient à profit la protection de l’euro pour s’endetter à tout va. Les marchés, c'est-à-dire les détenteurs des créances sur les Etats surendettés, ont mis longtemps à déceler la faille du système, à savoir qu’en l’absence d’une solidarité politique totale, une créance sur la Grèce ou l’Irlande, pour ne pas citer les autres, bien que libellée dans la même devise, ne valait pas une créance sur l’Allemagne.
Il est douteux que les plans de sauvetage laborieusement échafaudés pour la Grèce puis pour l’Irlande suffisent à résoudre la crise, car ces pays ne pourront pas supporter les taux d’intérêt élevés qui leur sont imposés. Une solution durable consisterait à leur consentir des taux plus modérés et de plus longs délais pour l’assainissement de leurs finances. Cela supposerait une utilisation massive de la capacité d’emprunt de l’Union en même temps que la mise en commun des moyens d’intervention susceptibles de soutenir la recherche, la croissance, l’emploi et la lutte contre la pauvreté, autrement dit pratiquer le fédéralisme budgétaire recommandé par le président de la Banque centrale. Transférer l’endettement au niveau de l’UE aurait sans doute pour conséquence de faire baisser l’euro ce qui serait un facteur de retour à la croissance et une réplique justifiée aux politiques de dumping monétaire pratiquées par la Chine et les Etats-Unis. En même temps, l’affirmation d’une solidarité complète des membres de la zone euro rétablirait la crédibilité entamée de l’Europe en construction.
Le principal obstacle à cette politique n’est autre qu’un certain dogmatisme germanique coloré d’un euroscepticisme nouveau. Ce qui apparait comme un refus allemand de solidarité peut se comprendre. Les Allemands qui ont accompli de grands efforts pour mettre en ordre leurs finances en ont assez de payer pour les cigales imprévoyantes. Il appartient cependant à ceux qui ont toujours soutenu l’entente franco-allemande de rappeler à notre principal partenaire à quoi il s’expose en imposant des plans d’assainissement économiquement peu crédibles et socialement insupportables. Ces plans, à moins d’être profondément modifiés, ne peuvent conduire qu’à un éclatement de l’union monétaire se traduisant par des mouvements de change considérables et une nouvelle crise dont l’Allemagne serait la première victime, sans parler du recul dramatique du processus d’union qui demeure le seul gage d’avenir de notre continent.
Aux grands maux, les grands remèdes : budget commun alimenté par des ressources propres votées par le Parlement européen, recours significatif à la capacité d’emprunt de l’Union, discipline stricte des finances nationales et progrès dans l’harmonisation fiscale et la lutte contre la pauvreté. Tout cela est aujourd’hui parfaitement irréaliste, pas seulement du fait des Allemands mais aussi d’une vague souverainiste favorisée par la crise et d’une impopularité de l’Europe en train de devenir un épouvantail à l’égal du FMI. Faut-il attendre d’une aggravation de la crise le réflexe salvateur qui referait de l’Europe le motif d’espérance qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être ?
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