Paris, 6 octobre
Le soulagement et la joie que nous cause le oui massif des Irlandais ne nous dispense pas d’un effort de lucidité. C’est à quoi nous invite Jean-Guy Giraud, créateur avec moi et animateur infatigable des Amis de la Convention devenus les Amis de la Constitution puis les Amis du traité de Lisbonne. Ceux qui n’en sont pas destinataires trouveront intérêt à la lecture de sa dernière « Brêve »
BRÈVE À L'ATTENTION DES AMIS DU TRAITÉ DE LISBONNE N ° 241
UN OUI... ET PLUSIEURS NON
La satisfaction - le soulagement - procurés par le retentissant OUI irlandais a curieusement provoqué, dans la presse et les milieux politiques français, une floraison d'éditoriaux et de déclarations parfois surprenants, voire contestables, auxquels il convient d'apporter des "bémols" immédiats - que les associations européennes ne manqueront pas de développer plus longuement dans les jours qui viennent ...
NON, le Traité de Lisbonne n'est pas une "boîte à outils qui permettra de clore le long chapitre institutionnel qui a dominé les débats depuis la fin de la guerre froide". Il s'agit bien au contraire d'une nouvelle étape - en fait tardive - dans l'édification d'une Europe dont l'unité, la solidarité et la force politique demeurent très insuffisantes tant vis-à-vis de ses citoyens que du reste du monde. Le Traité de Lisbonne n'est pas la phase ultime de l'évolution de l'UE : de nouvelles révisions seront nécessaires pour poursuivre la tâche historique de l'unification européenne et adapter l'UE à l'évolution rapide et imprévisible du monde contemporain (voir Brève n °240).
NON, l'opinion publique n'est pas en proie à une soi-disant "fatigue institutionnelle" : elle manifeste plutôt sa lassitude vis-à-vis de Gouvernements nationaux incapables de conduire rapidement et efficacement les procédures de ratification de traités qu'ils ont pourtant négociés et signés - grâce, disons le pour le Traité de Lisbonne, au remarquable travail préparatoire de la Convention supranationale (voir Brève n°233).
NON, la conception "directoriale" du gouvernement de l'UE n'est pas la bonne. L'UE ne peut pas être durablement dirigée par des "couples" de leaders nationaux, au demeurant aléatoires et éphémères. C'est inacceptable pour la quasi totalité des Etats membres de fait exclus des couples providentiels - mais c'est surtout incompatible avec la nature même de l'Union. Jean Monnet le disait ainsi : "Si rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les Institutions car elles seules deviennent plus sages en accumulant l'expérience collective " (voir Brève n° 219).
NON, l'Etat membre le plus peuplé et le plus puissant d'Europe - l'Allemagne - n'est pas soudainement devenu eurosceptique du fait de quelques "obiter dicta" politiques introduits par une majorité des huit juges du deuxième sénat de la Cour de Karlsruhe dans leur décision (au demeurant positive) sur la constitutionnalité du Traité de Lisbonne. Non, le souci de l'Allemagne de préserver autant que faire se peut l'équilibre de ses finances publiques - et par la même celui de l'Euro dont elles sont le principal soutien - n'est pas une manifestation de repli national, tout au contraire. Non, les réticences allemandes vis-à-vis de l'approche directoriale du gouvernement de l'Europe ne sont pas un indice de tiédeur européenne : c'est l'inverse qui est vrai.
NON, l'écroulement du mur de Berlin n'a pas fait "deux victimes : Jean Monnet et Jacques Delors". Il se trouve au contraire que l'évolution du monde contemporain et du continent européen en particulier renforcent plutôt leur étonnante prémonition : la fin du totalitarisme communiste et la réunification pacifique du centre de l'Europe n'ont été rendus possibles que par l'existence d'une terre d'accueil - l'UE. Et elles ne s'avèreront durables que si se poursuit et se renforce "l'union toujours plus étroites des peuples européens" qui demeure l'objectif central voulu par les pères fondateurs et gravé au frontispice des traités de l'UE (y compris celui de Lisbonne, voir Note n° 276).
NON, l'élargissement de l'UE ne doit pas forcément conduire à sa dilution et son affaiblissement - pourvu qu'il soit conduit par une stratégie politique soucieuse tout autant d'accueillir dans l'Union de nouveaux membres bien préparés que de préserver sa mission première d'intégration politique interne. Une telle stratégie a cruellement manqué pendant le dernier quinquennat de la Commission au cours duquel une gestion administrative et incontrôlée du processus d'élargissement a largement prévalu (voir Brève n°205).
NON, le Traité de Lisbonne n'autorise pas le Conseil européen à choisir un futur Président qui ne s'engagerait pas publiquement à aider l'UE à " franchir des étapes ultérieures pour faire progresser l'intégration européenne " (Préambule du TUE) ou qui n'aurait pas l'autorité pour le faire ; non, le Parlement européen ne peut pas accepter de confirmer la nomination d'un Président et de membres de la Commission qui ne prendraient pas tout aussi publiquement un tel engagement.
La phase de mise en œuvre du Traité va s'ouvrir dès que les Présidents de deux Etats membres de l'UE auront accompli leur devoir de signature - ou se seront retirés. Il convient de l'accueillir avec espoir et optimisme après avoir démenti les objections et clarifié les doutes de bonne et mauvaise foi que suscitent toujours les grandes entreprises et espérances ...
Jean-Guy GIRAUD
06 octobre 2009
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