La crise des réfugiés coïncidant
avec les concessions arrachées par le Royaume-Uni a mis en pleine lumière
l’échec du projet européen tel que l’avaient conçu les Pères fondateurs. Il est
désormais admis que l’on peut demeurer membre de l’UE tout en récusant
l’objectif d’une « union sans cesse plus étroite ». Plusieurs Etats
membres, anciennes « démocraties populaires », largement
bénéficiaires de la solidarité communautaire, s’autorisent à la refuser,
s’agissant de l’accueil de réfugiés musulmans au nom d’une conception de la
pureté ethnique parfaitement contraire aux valeurs européennes. Le référendum
néerlandais du 3 avril confirme l’affaiblissement du soutien populaire dans
l’un des Etats fondateurs.
L’incapacité des institutions à
décider ou à faire exécuter leurs décisions a conduit la chancelière Merkel à
exercer, à son corps défendant, un leadership ressenti comme hégémonique par
une partie croissante de l’opinion de ses partenaires. Cette situation résulte des
faiblesses d’une France dont les performances demeurent durablement médiocres.
Elle est aussi la conséquence d’une option de la diplomatie française remontant
au général de Gaulle mais poursuivie par tous ses successeurs hostile à tout
transfert de souveraineté dans les domaines régaliens. Refusé quand il était
proposé par l’Allemagne, le fédéralisme n’est
plus aujourd’hui d’actualité et ne pourra le redevenir qu’après un effort de
clarification et une reconquête de l’opinion.
La clarification devra porter à
la fois sur les compétences, les institutions et le périmètre.
Qu’attendons-nous de l’Union ? Comment peut-elle être gouvernée ? Le
périmètre dépendra de la réponse que chaque pays donnera aux questions
précédentes. Utilisons le cadre actuel avant de tenter l’adoption d’un nouveau
traité. Ne confondons pas l’avant-garde ouverte utile à tous et l’Europe à la
carte synonyme d’impuissance et d’éclatement. Une relance s’imposera après le
vote des Britanniques au référendum du 23 juin, quel qu’en soit le résultat.
La reconquête de l’opinion est la
tâche majeure dont dépend tout le reste. Elle sera difficile tant l’Union s’est
laissé caricaturer et, disons-le, a prêté à la caricature par son
réglementarisme tatillon et son manque de pédagogie. L’une des carences de la
Commission Juncker est sa politique de communication. La Commission ne devrait
pas craindre de dénoncer l’hypocrisie des Etats qui reprochent à l’Union une
impuissance à laquelle ils la condamnent trop souvent en lui refusant les
moyens d’action indispensables comme on le voit aujourd’hui à propos des
renseignements de sécurité ou du contrôle de la frontière extérieure.
Enfin le projet européen, pour
mobiliser notamment les jeunes ouverts à de plus larges solidarités, ne peut se
dissocier du combat pour un ordre mondial démocratique. Je renvoie sur ce point
à l’article que je viens de publier dans la revue Futuribles sous le titre
« Contre l’anarchie mondiale la
démocratie ».
Editorial rédigé pour le club Europe d'ARRI (Association Réalités et Relations Internationales).
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