Paris, 29 mars. Mes excuses tout d’abord pour le retard d’envoi de mon dernier message imputable à une fausse manœuvre de ma part.
Laurent Cohen-Tanugi est un des observateurs les plus perspicaces de la construction européenne. Son dernier ouvrage « Quand l’Europe s’éveillera » (Grasset, 9 €) constate en 128 pages le fiasco de l’Europe des Etats et dénonce l’illusion suivant laquelle la coopération entre Etats pourrait, mieux que l’intégration supranationale, faire avancer l’union des peuples européens.Ce n'est pas l'excès d'intervention de l'Union qui rend l'Europe impopulaire mais l'impuissance à laquelle la condamnent des dirigeants nationaux inconséquents. Les seuls domaines où l’Europe parvient à exister dans la mondialisation et à défendre ses intérêts sont ceux qui ont été fédéralisés : la régulation de la concurrence et du marché unique, la politique monétaire et la politique commerciale internationale. Quand les Etats voudront l’Europe, ils devront lui donner les moyens de son ambition, en assumant une relance de l’intégration : budget permettant de financer un plan de relance de dimension européenne, alimenté par des ressources propres, abandon du veto pour la ratification des traités, création d’une vie politique européenne en émancipant le mode d’élection du Parlement européen de logiques purement nationales.
A ceux qui seraient démoralisés par le sévère diagnostic de Cohen-Tanugi, je conseille la lecture d’un autre petit livre « Un petit coin de paradis » d’Alain Minc (Grasset 9 €)
Qu’il s’agisse de leur modèle social, de leurs libertés, de leur démocratie, de leurs institutions, celles des Etats mais aussi celles de leur Union si décriées, les Européens ignorent leur exceptionnelle réussite. L’apport le plus original de Minc consiste dans une saisissante évolution comparée de la démocratie sur les deux rives de l’Atlantique. Naguère en avance sur l’Europe sur à peu près tous les terrains, les Etats-Unis apparaissent aujourd’hui retardataires. En témoignent la peine de mort, la justification de la torture, l’enseignement du créationnisme, le financement privé illimité des campagnes électorales, l’élection de Bush arbitrée par la Cour suprême sans recompte des voix de la Floride, la résistance aux régulations financières, l’élargissement sans précédent des échelles de revenus, l’absence jusqu’à la récente législation d’Obama, si violemment contestée, d’un cadre général de protection sociale. « Les Européens peuvent, pour la première fois de leur histoire, prétendre qu’ils n’ont « ni Dieu, ni maître ». Ils sont bien les seuls au monde à connaître cette situation bénie. Mais inconscients, une fois de plus, de leur propre réussite, ils n’en ressentent aucune fierté. »
Je publierai prochainement dans la Revue Futuribles et dans les Cahiers d’ARRI une recension plus substantielle de ces deux petits bréviaires stimulants et complémentaires.
29 mars 2011
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