24 juillet 2010

Les intérêts corporatistes contre l'Europe

Platier, 24 juillet. Un rapprochement entre l’opposition d’une partie, heureusement minoritaire, des aiguilleurs du ciel français à la création d’un contrôle du ciel européen intégré qui exigerait sans doute un peu moins de personnel et la résistance des ministères des finances de la zone euro à la fusion des représentations au FMI paraîtra saugrenue à certains. Dans un cas comme dans l’autre, à des niveaux différents, on se trouve en présence d’un conflit entre l’intérêt collectif, meilleure efficacité pour un moindre coût dans le contrôle aérien, poids accru de l’Europe dans la bataille pour un nouvel ordre monétaire et financier dans la représentation au FMI. Dans combien d’autres domaines, le poids des intérêts particuliers, s’ajoutant à la domination de la pensée néo-libérale, prive les citoyens des bénéfices que pourrait leur procurer l’utilisation de la dimension européenne ! Mon ancien collègue Pierre Defraigne vient d’en faire la démonstration dans une étude passionnante sur laquelle je reviendrai prochainement.

19 juillet 2010

Rappel d'une occasion manquée

Platier, 19 juillet. Le massacre de 8000 Bosniaques musulmans par les troupes du général serbe Mladic sous les yeux de casques bleus néerlandais impuissants, dont on vient de célébrer le 15ème anniversaire, a été le point d’orgue de la série d’atrocités qui ont accompagné l’éclatement de la Yougoslavie. Tout avait commencé en 1991 avec le siège de la ville croate de Vukovar qui s’acheva par un massacre de moindre ampleur mais de même nature. Au même moment, les gouvernements de la Communauté négociaient ce qui allait devenir le traité de Maastricht dont l’un des objets était de jeter les bases d’une politique étrangère commune. Français et Britanniques penchaient pour les Serbes en fonction de souvenirs remontant à 1914, du moins les dirigeants, car les opinions étaient révoltées par les violences des Serbes. Les Allemands étaient sensibles aux malheurs de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, anciennes provinces de l’empire des Habsbourg, ce qui les conduisit à reconnaître unilatéralement l’indépendance des deux victimes. Voilà comment, en dépit des invites de Washington considérant qu’il appartenait à l’Europe de mettre de l’ordre dans son arrière-cour, une occasion a été manquée de fonder dans la réalité cette union politique demeurée à l’état de vœu pieux. Une intervention militaire, dès 1991, aurait coûté des vies humaines mais en aurait épargné infiniment plus. Bénéficiant d’un large soutien de l’opinion, elle aurait montré aux peuples à quoi pouvait servir l’Europe. Espérons que l’Union d’aujourd’hui ne sera pas confrontée à semblable test par le réveil inquiétant des nationalismes. Serait-elle, mieux qu’en 1991, capable de le relever ?

10 juillet 2010

La régulation financière se fait attendre

Platier 10 juillet Les péripéties de l’affaire Woerth - Bettencourt ne devraient pas détourner l’attention du retard pris par les Européens dans la réglementation de la finance, retard que vient de dénoncer vigoureusement l’ancien ministre Jouyet, aujourd’hui président de l’Autorité des marchés financiers. Comme d’habitude, les gouvernements, en premier lieu celui de Londres, renâclent à créer une nouvelle Autorité européenne, même s’ils en reconnaissent la nécessité. Les progrès semblent un peu plus encourageants sur la gouvernance économique. Un débat préalable au vote des budgets nationaux est acquis. Pervenche Bérès, présidente de commission au Parlement européen, a fait une proposition intéressante au sujet des sanctions à prévoir à l’encontre des pays en infraction : une hausse obligatoire de leur taux de TVA, ce qui, contrairement aux amendes, accroîtrait leurs recettes. Mais, peut-on créer une sanction sans un amendement aux traités ?

04 juillet 2010

Un succès peu médiatisé

Platier, 4 juillet. Conseil, Commission et Parlement sont parvenus à un accord sur les conditions de mise en œuvre des dispositions du traité de Lisbonne prévoyant la création d’un Service européen d’action extérieure (SEAE), autrement dit d’un ministère des Affaires étrangères et d’un corps diplomatique européen dans lequel s’intègreront les délégations établies par la Commission dans les principales capitales, des agents du Secrétariat du Conseil et des diplomates venus des Etats membres. Les agents venus de la Commission représenteront au moins 60% de l’ensemble. Il est juste d’attribuer en grande part le mérite de ce succès à Lady Ashton qui a réussi à rapprocher les positions au départ fort éloignées du Conseil et du Parlement. La tâche de ce service sera d’abord de rapprocher les positions des diplomaties nationales sur les grands sujets qui agitent la scène mondiale afin d’élargir peu à peu le domaine dans lequel une politique étrangère commune devient possible. Il lui appartiendra ensuite de veiller à la bonne application de cette politique par les Etats membres et à sa compréhension par les partenaires extérieurs. On sous-estime généralement ce que l’Europe perd, y compris au plan de l’économie, à demeurer un nain politique faute de disposer d’une politique étrangère commune. Jamais la coopération interétatique ne permettra à l’Union de devenir un acteur mondial. Soumise au bon vouloir des grands Etats, elle demeure précaire et suscite la méfiance des moyens et des petits. L’Europe existera quand Washington, Pékin, Moscou et les autres s’apercevront qu’il vaut mieux traiter avec l’Union plutôt qu’avec chacun des Etats. On en est encore loin.