27 août 2008

L'épreuve géorgienne

Platier, 27 août. La réunion du Conseil européen judicieusement convoqué par son président sera, pour l’Europe, une redoutable épreuve : celle de définir une attitude commune qui ne soit pas le plus petit commun dénominateur. Au stade actuel de la construction européenne, ce n’est pas la règle d’unanimité en politique étrangère qui est la plus gênante, mais l’absence d’une Autorité commune reconnue comme telle par les Etats dont la mission serait d’exprimer l’intérêt commun européen et de mobiliser l’appui des gouvernements. Ni la Commission, ni le Haut représentant, ni le président du Conseil européen ne sont en mesure d’assumer ce rôle. La première est affaiblie et les gouvernements ne lui reconnaissent pas ce rôle en politique étrangère, le second n’a pas un mandat et une visibilité suffisants, le troisième est chef d’un Etat national, donc toujours suspect de faire passer le point de vue de son pays avant celui de l’Europe. On voit par là combien désastreux a été le refus de ratification du traité de Lisbonne par les Irlandais. Le ministre irlandais des Affaires européennes vient de préconiser un nouveau vote, à titre personnel. Mais l’opinion y demeure hostile. Voilà à quoi tient l’avenir de notre continent!

21 août 2008

Hommage à Henri Cartan

Platier, 20 août. J’apprends avec tristesse la mort à 104 ans d’Henri Cartan. Cet éminent mathématicien, fondateur du groupe Bourbaki qui a renouvelé les mathématiques à l’Ecole normale, titulaire des distinctions les plus prestigieuses, a terminé sa longue vie en militant européen exemplaire. Membre particulièrement actif et fidèle de l’AFEUR, il fait partie de ces personnalités de qualité exceptionnelle, telles le professeur Leprince-Ringuet, le philosophe Alexandre Marc, les ambassadeurs Soutou et Hessel, les professeurs Gerbet, Grosser, Quermonne, Rovan, mes anciens collègues Albert et Berthoin, l’ancien ministre Hubert Curien, Marcel Boiteux qui ont encouragé et soutenu mon action européenne. La particularité d’Henri Cartan était sa conviction absolue que seule une Europe dotée d’institutions fédérales pouvait répondre à la double exigence de démocratie et d’efficacité. La force de cette conviction était telle qu’elle l’a conduit, alors qu’il avait quatre-vingts ans, à une candidature de témoignage aux élections européennes de 1984. Henri Cartan s’était aussi mobilisé, avec son ami Laurent Schwartz, en faveur des mathématiciens soumis aux persécutions de la tyrannie soviétique. On ne faisait jamais appel en vain à la générosité de ce grand citoyen dont les titres éminents n’avaient en rien affecté la modestie.

12 août 2008

A propos de la guerre en Géorgie

Platier, 12 août. Aux confins de notre continent, le conflit russo-géorgien nous rappelle que la paix demeure fragile et que la guerre est une horreur, le pire moyen de régler les différends entre Etats. Il devrait aussi nous inviter à une réflexion sur la défense européenne et l’avenir de l’OTAN. Au lieu de nous interroger sur le bien-fondé d’une réintégration, acquise en fait depuis longtemps, des structures de l’Alliance, mieux vaudrait nous préparer à proposer au futur président des Etats-Unis une réflexion commune sur le rôle de l’OTAN dans l’après-guerre froide. Cela supposerait un débat intense entre Européens, y compris bien sûr avec les nouveaux Etats membres de l’Est. Pour moi, la question fondamentale est de décider si l’OTAN doit demeurer une alliance régionale traditionnelle fondée sur des intérêts essentiellement stratégiques et occidentaux, ou se donner comme objectif la défense de l’Etat de droit, d’abord en Europe, dans notre voisinage et, dans la mesure du possible, partout dans le monde. La deuxième formule me parait la seule défendable à long terme. Elle devrait conduire à ouvrir une Alliance devenue multipolaire à celles des puissances émergentes qui ont choisi ou choisiraient, sinon la démocratie, du moins l’Etat de droit. L’évolution de la Russie serait peut-être moins inquiétante si un réel partenariat stratégique avec l’Alliance lui avait été offert. Qu’attendons-nous pour établir, sur cette base, des relations étroites avec le Japon, l’Inde, l’Afrique du Sud, les démocraties latino-américaines ? Ne serait-ce pas le meilleur moyen d’éviter ce conflit des civilisations tant redouté et de préparer la nécessaire et toujours différée réforme des Nations-Unies ?

07 août 2008

Echec à Pékin, succès dans les Balkans

Platier, 7 août. Sarkozy assistera à l’ouverture des Jeux et ne verra pas le Dalaï Lama. Il est lamentable que les pays membres de l’UE aient été incapables d’adopter une attitude commune. L’ont-ils même tenté ? En contraste, saluons le succès que représente pour l’UE le fait que la Bulgarie et la Roumanie aient accepté sans protester les observations sévères de la Commission sur la persistance d’un niveau inacceptable de corruption, observations assorties de sanctions financières. Echec dans le premier cas de la méthode intergouvernementale exigeant l’unanimité des 27, succès dans le second de la méthode communautaire, pré-fédérale, qui permet de décider par délégation et à la majorité. Bien entendu l’échec est plus médiatisé et commenté que le succès !

03 août 2008

OMC : la gouvernance mondiale en recul

Platier, 3 août. Plus que les conséquences économiques, douloureuses surtout pour les petits pays pauvres, dont la capacité de négociation bilatérale est faible, c’est le signal que donne l’échec des négociations de Genève qui est désastreux. Un pas en arrière est fait sur la route de cette gouvernance mondiale dont le monde a plus que jamais besoin. C’est l’Inde qui porte la principale responsabilité de l’échec. Mais l’UE n’a pas joué le rôle moteur qui aurait pu être le sien si elle s’était montrée plus unie. Contribuer à cette union était le devoir du président du Conseil européen, tenu par ses fonctions de modérer la défense des seuls intérêts nationaux.