27 mars 2008

Un discours révélateur

Platier, 27 mars Pardon d’abord pour l’erreur de date de mon précédent message. Il s’agissait du 23 mars et non du 23 janvier !
Le discours prononcé par le président de la République devant les deux Chambres du Parlement britannique en dit plus long sur la politique européenne du Chef de l’Etat que toutes ses précédentes déclarations. On ne peut qu’approuver l’hommage chaleureux rendu au parlementarisme britannique et à l’admirable résistance à Hitler. Proposer de faire de l’entente cordiale une entente amicale rompt heureusement avec une certaine hargne anti-anglaise héritée du gaullisme. Le refus de capituler en Afghanistan devant les talibans et Al Quaïda ne peut qu’être approuvé, même si l’on peut s’interroger sur un engagement toujours insuffisant, trop exclusivement occidental et pollué par le désastre irakien. Enfin l’affirmation de la solidarité atlantique achève de dissiper les illusions d’une certaine diplomatie française tentée par le tiers-mondisme et que les erreurs de Bush paraissaient justifier.
Préoccupants sont d’autres aspects du discours présidentiel. L’éloge sans nuances de la nation et de l’Etat, de la conception britannique et française de l’identité et de la souveraineté, l’appel à changer l’Europe apparemment pour limiter son champ d’action plutôt que pour la rendre plus démocratique et plus efficace, l’absence de toute référence à la méthode communautaire, l’illusion d’une politique européenne orientée sinon dictée par les trois principaux pays de l’Union sont autant de positions problématiques. Le risque est grand de ramener la politique européenne à un jeu d’équilibre de puissance à la mode du XIXème siècle, c'est-à-dire à la stérilité de la coopération inter-étatique. Un exemple : la mise en garde adressée aux dirigeants chinois aurait plus de chances d’être prise au sérieux si Sarkozy avait affirmé la nécessité d’une position commune des Vingt-sept. Il s’en est bien gardé se réservant la possibilité d’une position particulière de la France, de nul effet si elle demeurait isolée et déshonorante si la France devait se distinguer en paraissant faire prévaloir ses intérêts commerciaux sur ses principes. Enfin l’allégeance atlantique ne se conçoit que dans une perspective d’équilibre entre partenaires égaux, sinon en puissance du moins en capacité de décision, c'est-à-dire dans la perspective d’une Europe fédérale. Voilà certes le discours de vérité que les Anglais n’étaient pas prêts à entendre, pas plus que notre président n’était prêt à l’exprimer.

23 mars 2008

Les leçons du Tibet

Paris, 23 janvier L’attitude à adopter face à la répression chinoise est le type même de la question sur laquelle l’UE devrait s’exprimer d’une seule voix. En nous montrant plus accommodants que Britanniques et Allemands, nous ne gagnerons rien, sinon la perte du prestige que devrait nous valoir la présence au Quai d’Orsay de Bernard Kouchner. Seule une prise de position commune de l’UE décidant par exemple une abstention générale de participation, non aux Jeux Olympiques, mais à la séance d’ouverture, si la répression devait se poursuivre, serait de nature à impressionner les dirigeants chinois, en même temps qu’elle contribuerait à renforcer l’image de l’Union auprès de ses propres citoyens.
Autre leçon à tirer de ce triste épisode, à l’usage en particulier d’Hubert Védrine : l’attachement aux droits humains fondamentaux n’est pas l’apanage des Occidentaux. Tous les peuples y sont attachés. C’est l’honneur de l’Occident de les défendre contre tous les gouvernements tyranniques de la planète. Mais l’Occident et en particulier l’Europe devrait faire plus d’efforts pour rallier à cette cause les jeunes démocraties du Sud. La sympathie que manifeste l’Inde envers les Tibétains et le Dalaï Lama montre que la tâche n’est pas insurmontable.

20 mars 2008

Européaniser nos commémorations guerrières

Paris, 20 mars 08 La mort du dernier poilu, Lazare Ponticelli, immigré italien engagé volontaire, renvoyé dans l’armée italienne et devenu pacifiste au contact des réalités atroces de la guerre, est l’occasion d’une réflexion sur nos commémorations des tragédies qui ont marqué le dernier siècle. Le moment n’est-il pas venu de transformer la signification de ces manifestations en les orientant davantage vers l’avenir, vers la communion des mémoires, vers la réconciliation des anciens ennemis, vers l’unité de l’Europe ?

La prochaine présidence française de l’UE pourrait donner à notre pays l’occasion d’avancer deux propositions qui compenseraient, dans une certaine mesure, le signe négatif donné par l’élimination des symboles du nouveau traité européen. L’une consisterait à joindre en une seule célébration l’effondrement du nazisme et l’appel de Robert Schuman, chaque pays qui accepterait cette proposition étant libre de fixer cette célébration le 8 ou le 9 mai. La justification est claire : sans la chute du nazisme qui fut pour l’Allemagne autant une libération qu’une défaite, le démarrage de la construction européenne n’aurait pas été possible. L’autre proposition serait de faire du 11 novembre une fête de la réconciliation, toutes les victimes étant honorées sans distinction de nationalité.

Ces deux propositions devraient faire l’objet d’un accord franco-allemand avant d’être officialisées. Les diverses associations européennes pourraient s’unir pour les promouvoir dans les deux pays. Les commentaires exprimés ces jours derniers à l’occasion de la mort du dernier poilu et du voyage du président de la République au plateau des Glières permettent de penser que ces propositions répondent à l'attente d’un large public et seraient favorablement accueillies par l’opinion, du moins en France.

14 mars 2008

Heureux dénouement après une querelle dont on aurait pu faire l'économie

Platier, 14 mars L’accord unanime sur la relance du processus de Barcelone devenu Union pour la Méditerranée est une bonne nouvelle. Il reste à voir si les querelles entre les pays de la rive sud permettront des actions concrètes et d’où viendra l’argent. Qu’attend-on pour associer à l’entreprise les pays du Golfe qui ne sont pas plus éloignés de la Méditerranée que le Portugal ou la Mauritanie ?
L’énergie qu’a dû déployer la diplomatie française pour rétablir l’harmonie franco-allemande sur ce projet si mal engagé aurait été mieux employée pour faire avancer la politique d’approvisionnement énergétique, la lutte contre les paradis fiscaux, la politique du climat, le développement des actions de reconversion des travailleurs victimes des délocalisations.
Ratifier le traité de Lisbonne, c’est bien, montrer à quoi sert l’Europe, ce serait encore mieux

13 mars 2008

Réciprocité dans le marché des armements

Platier, 11 mars 08 Je suis surpris que le succès obtenu par l’industrie européenne qui vient d’obtenir une énorme commande du Pentagone pour des avions ravitailleurs en vol n’ait pas conduit à rappeler la campagne déclenchée chez nous contre l’achat de chasseurs américains par la Pologne. L’intérêt commun des Européens et des Américains est dans l’ouverture d’un vaste marché concurrentiel des armements source potentielle de rationalisation, d’élimination des doublons et d’économies. Que cet exemple, s’il est confirmé, en dépit des protestations de certains membres du Congrès, serve au moins à convaincre les Européens de réaliser chez eux un vrai marché commun des armements, seul moyen de commencer à réduire le fantastique écart de puissance qui nous sépare des Américains dans ce domaine et que ne doit pas faire oublier un succès remarquable mais isolé.

02 mars 2008

Jouyet rectifie

Paris, 2 mars 08 En transformant l’Union méditerranéenne en Union pour la Méditerranée, Jean-Pierre Jouyet fait une tentative louable pour sortir le Président de la difficulté. Sera-ce suffisant ? L’étape suivante pourrait être : l’Union européenne pour la Méditerranée, élément essentiel de la « politique de voisinage ».