11 février 2008

Appel à Jean-Louis Bourlanges

Paris, 9 février Le Monde vient de me faire savoir qu’après avoir retenu le papier que je leur avais envoyé en décembre, ils avaient dû renoncer à le publier. Le voici donc.

Tout ceux qui aiment l’Europe ont aimé Jean-Louis Bourlanges, son engagement sans failles, ses analyses pénétrantes, ses jugements impitoyables, à la fois pertinents et excessifs. Il fut un brillant président du Mouvement européen – France. Il fut surtout un exemplaire député européen, assez indépendant pour rejeter l’adhésion de trois pays qui prétendaient adhérer à l’Union en conservant une posture de neutralité parfaitement contraire à la solidarité européenne. Et voilà que ce député qui disait tout haut ce que d’autres pensaient tout bas annonce son intention de quitter le Parlement européen !

Il est sans doute trop tard pour le faire changer d’avis. Mais il n’est pas trop tard pour examiner les raisons q’il nous donne de sa décision dans un « grand entretien » accordé au journal le Monde des 2 et 3 décembre.

Sa motivation principale est que le Parlement, tout comme la Commission, serait devenu « un simple lieu d’arbitrage entre intérêts nationaux, un double du Conseil ». Si l’on peut regretter que les intérêts nationaux pèsent parfois trop lourd dans les débats, la vérité oblige à dire que c’est très loin d’être un cas général. Deux des principaux dossiers arbitrés à Strasbourg ces derniers mois, celui de la libération des services et celui du règlement sur les produits chimiques, en apportent la démonstration. L’affaire des services a opposé la droite et la gauche, même si, pour des raisons de culture nationale, la droite française était, sur ce sujet, proche de la gauche ; celle de la chimie a opposé les défenseurs de l’industrie à ceux des consommateurs. Dans l’un et l’autre cas, le Parlement est parvenu à un compromis que le Conseil n’avait pas obtenu et auquel il s’est finalement rallié.

De même, on s’étonne que Jean-Louis Bourlanges ose affirmer que « 90% des politiques et des financements restent nationaux ». Pour ce qui est des financements, il faudrait calculer le pourcentage dans les seuls domaines de compétence communautaire. Pour ce qui est des politiques, qui peut nier que les textes adoptés à Bruxelles et à Strasbourg orientent largement la plupart des politiques nationales, de l’agriculture aux transports, des budgets à la concurrence et de la pêche à l’environnement… ? N’est-ce pas la critique inverse que l’on entend sans cesse et qui est tout aussi infondée ? A vrai dire, l’exercice consistant à distinguer dans les politiques ce qui vient de Bruxelles ou des capitales n’a guère de sens dès lors que les orientations qui dictent les décisions communautaires sont arrêtées par les gouvernements nationaux.

En revanche, on ne peut que l’approuver quand il dénonce la stérilité de « la coopération classique entre gouvernements » dont l’échec de la stratégie de Lisbonne a fourni une nouvelle et éclatante démonstration, ou quand il stigmatise « la désinvolture avec laquelle on aborde (à Paris) les questions budgétaires et monétaires et celle du respect de nos engagements envers nos partenaires ». Voilà précisément pourquoi la présence du soldat Bourlanges sur le front européen demeure utile, nécessaire, indispensable. Il ne peut quitter le Parlement sans nous dire où et comment il va reprendre son combat pour que l’Europe, enfin sortie de sa crise institutionnelle, reprenne sa marche en avant.

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