Platier 19 février Ci-dessous le papier annoncé.
L’un des poncifs du discours européen de nos politiques consiste à sous-évaluer l’importance des institutions. La réforme institutionnelle est sans doute jugée nécessaire mais, à les en croire, relève de la mécanique plus que de la politique. Les citoyens sont supposés n’y porter aucun intérêt. Le sénateur Pierre Fauchon, l’un des membres de la haute Assemblée les plus engagés dans le combat européen, est allé jusqu’à formuler l’opinion suivant laquelle l’Europe, suivant l’exemple de la Grande-Bretagne, pourrait continuer à se développer en se passant de Constitution.
Il est vrai que certaines des réformes institutionnelles rendues nécessaires par l’augmentation du nombre des Etats membres relèvent de la mécanique et ne sont pas de nature à intéresser un large public, bien que l’élargissement du principe majoritaire réponde à une exigence de démocratie autant que d’efficacité. Mais il en est d’autres qui présentent un intérêt politique majeur. Leur objet n’est pas seulement de lubrifier quelques rouages. Il est d’abord de conforter la légitimité de l’Union et d’assurer sa visibilité. Tel est le cas de la création d’un président du Conseil européen à mandat prolongé et, ce qui est bien plus important, déchargé de fonctions nationales. Tel est aussi le cas de la transformation du Haut Représentant en ministre des Affaires étrangères et vice-président de la Commission. L’intérêt politique de ces deux innovations est aussi de favoriser le rapprochement progressif des points de vue nationaux, condition préalable de toute action commune.
Si les négociations à venir devaient conduire à apporter quelques retouches à la partie institutionnelle du traité, la moins contestée, il serait opportun de se demander si cette formule de ministres relevant à la fois du Conseil (des Etats) et de la Commission ne devrait pas être étendue à d’autres domaines et ne serait pas de nature à pallier l’affaiblissement d’une Commission devenue trop nombreuse et moins représentative. On objectera à juste titre que les Commissaires européens n’ont pas pour mission de représenter leur Etat d’origine mais l’intérêt commun. Il n’en demeure pas moins que le principe de rotation égalitaire auquel les « petits » Etats sont attachés aura pour résultat de diminuer l’autorité politique de la Commission. En prenant le risque d’affaiblir la Commission, ils font un marché de dupes ainsi que le Premier ministre belge le leur a fait observer.
Si l’on prétend faire de l’Union, non pas cette superpuissance dont rêvent seuls les Français, mais un acteur majeur de la scène mondiale capable de promouvoir l’ordre international, l’Union ne pourra se passer non seulement d’un président mais d’un gouvernement. Ce gouvernement pourrait être constitué par une dizaine de ministres de l’Union tenant leur légitimité à la fois du Parlement européen et des Etats membres. Ce gouvernement serait présidé par le président à mandat prolongé du Conseil européen qui devrait lui-même procéder de cette double légitimité.
Qu’en serait-il, dans ce schéma, de la Commission, de la méthode communautaire fondée sur son monopole de proposition et du désir des nouveaux Etats membres d’y disposer d’un ressortissant ? Différentes solutions sont concevables. La meilleure, selon moi, serait la plus simple, la plus compréhensible : président unique, appartenance des ministres à la Commission au sein de laquelle ils constitueraient une sorte de présidium. Tous les Etats continueraient à désigner un commissaire. Les fonctions, compétences et prérogatives actuelles de la Commission ne seraient pas modifiées, mais les travaux des Commissaires seraient coordonnés par les divers ministres, en fonction des compétences respectives.
Le cumul des présidences du Conseil européen et de la Commission n’a pas été retenu par la Convention Giscard, en dépit des efforts de Pierre Lequiller. Cependant les partisans de la présidence unique ont obtenu l’élimination de la clause de non cumul, un moment envisagée, ce qui préserve l’avenir. Cette formule devrait finir par s’imposer. Elle aurait l’avantage de représenter un compromis entre partisans du Conseil et défenseurs de la Commission ou, si l’on préfère entre fédéralistes et confédéralistes. Elle aurait aussi le mérite d’éliminer le risque de rivalité entre les deux présidents et de confusion dans l’opinion. L’Europe sera plus forte, à l’intérieur et à l’extérieur, quand elle s’incarnera dans une seule personne et parlera d’une seule voix.
Ultime objection, précisément parce qu’elle renforcerait l’Union, cette formule serait rejetée par les Etats minimalistes. Sans doute, mais, comme vient de le rappeler à Strasbourg le président italien Napolitano, le temps viendra où ces Etats, Royaume-Uni en tête, ne pourront empêcher les autres d’aller de l’avant et pas seulement dans le domaine institutionnel mais en matière fiscale, sociale et budgétaire. La constitution d’une avant-garde finira par s’imposer. Le vote des Français un certain 29 mai 2005 interdit à la France d’en prendre l’initiative. Encourageons donc nos partenaires les plus proches au lieu de leur reprocher de s’être réunis à Madrid !
19 février 2007
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