28 décembre 2011

Le message de Vaclav Havel

Platier. 28 décembre 2011. Dans le Monde daté du 23 décembre, Jacques Rupnik, directeur de recherches à Sciences Po et ancien collaborateur de Vaclav Havel, nous rappelle le message que nous laisse ce grand Européen. En mars 1999, il préconisait devant le sénat français une constitution européenne ainsi définie : un texte court, inspiré et intelligible à tous, qui inviterait à une « parlementarisation » et à une « fédéralisation » des institutions européennes.
A l’heure où les princes qui nous gouvernent, écrit Rupnik, sont amenés par la crise de l’euro à faire « du fédéralisme par inadvertance », on ne peut s’empêcher de penser que si au lieu d’un pensum confus et indigeste … que personne n’a lu, les Européens s’étaient mis en quête d’un « père fondateur » capable de rédiger un texte concis, fort et acceptable à tous, sur les raisons d’être du projet européen, y compris son « fédéralisme » comme ambition politique plutôt que comme gestion de la dette, ils auraient pu en confier la rédaction à Vaclav Havel lui-même… On ne saurait mieux dire.
Bonne année 2012 !

21 décembre 2011

Ce qui manque à l'UE pour rétablir la confiance

Platier. 21 décembre 2011. En qualifiant le futur traité d’intergouvernemental, les Etats contournent la règle d’unanimité mais soulignent en même temps leur refus de transférer à l’UE de nouvelles compétences et plus encore de créer un pouvoir nouveau dont la légitimité pourrait concurrencer les légitimités nationales. La situation d’endettement des membres de la zone euro n’est pas aussi mauvaise que celle des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou du Japon. Mais sans budget commun significatif, sans trésor public commun, sans fiscalité commune, sans armée et sans gouvernement, autrement dit sans un minimum d’Etat, les chances qu’a l’UE de rétablir la confiance dans sa monnaie demeurent aléatoires et plus encore celles d’être considérée comme une puissance d’avenir dans le monde de demain.

12 décembre 2011

Après l'accord du 9 décembre

Paris, 12 décembre. Ci-dessous mon analyse pour ARRI des accords de vendredi dernier. Je doute qu’ils suffisent à mettre fin à la crise. J’observe aussi que les deux principaux candidats à la présidentielle font campagne sur la défense de notre souveraineté et le refus de donner plus de moyens et de compétences à l’UE.
Observatoire de l’Europe 12 décembre 2011
La crise financière qui frappe l’Europe s’est aggravée au point que la survie de l’euro a été ouvertement mise en cause. Trois pays parmi les plus en difficulté ont changé de gouvernement, en Grèce, en Italie sous la pression de l’endettement et en Espagne à la suite d’élections.
La séquence vient d’aboutir à l’accord conclu le 9 décembre à Bruxelles, à partir de propositions arrêtées quelques jours plus tôt par le couple « Merkozy ». Un accord obtenu au petit matin, pour la première fois sans recherche de l’unanimité à tout prix. L’essentiel de l’accord consiste à renforcer, dans chacun des Etats membres, la discipline budgétaire en introduisant dans leur ordre juridique constitutionnel une « règle d’or » de retour à l’équilibre. Il n’est pas facile de porter un jugement objectif sur cet accord conclu après une phase d’extrême dramatisation et présenté comme historique.

Les éléments positifs me paraissent les suivants :
- Fermeté opposée aux prétentions britanniques de choisir ce qui leur convient et de se tenir à l’écart de tout le reste. Il est remarquable que Cameron n’ait été suivi par aucun des pays hors zone euro, bien que la République tchèque et la Hongrie aient marqué un temps d’hésitation. Ainsi devrait-on éviter une coupure avec les pays d’Europe centrale, notamment avec la Pologne très hostile à une Europe à deux niveaux.
- Acceptation générale, y compris par la France, d’une vraie discipline budgétaire. Les sanctions seront semi-automatiques, c'est-à-dire décidées par la Commission, le Conseil ne pouvant s’y opposer qu’à la majorité qualifiée. On a enfin pris conscience de ce que l’on ne pouvait accumuler indéfiniment déficits et dettes.
- Espoirs, qui restent à confirmer, d’une harmonisation plus poussée des politiques économiques, sociales et fiscales.
- Solidité du couple franco-allemand parvenu à une position commune malgré de profondes divergences de culture politique et institutionnelle.

Les incertitudes ne peuvent être ignorées :
- Comment un traité intergouvernemental ne liant pas tous les Etats membres de l’UE pourra-t-il s’insérer dans le système juridico-institutionnel communautaire ? Or il est prévu que la Cour de Justice contrôlera les « règles d’or » adoptées par chaque pays et que la Commission en contrôlera le respect. M. Cameron a déjà annoncé qu’il s’opposera à l’utilisation des institutions de l’UE. Pourquoi n’avoir pas eu recours à la formule des coopérations renforcées ?
- Comment éviter l’engrenage récessif qui parait devoir résulter de l’application générale et simultanée de mesures de rigueur, en l’absence de soutiens à la croissance ?
- Pourra-t-on infliger des sanctions financières à l’encontre de pays en très grande difficulté ?
- Les ressources du Fonds européen de stabilité, éventuellement secondé par le FMI, seront-elles suffisantes pour faire face à une éventuelle impossibilité où pourraient se trouver les pays les plus endettés de se refinancer sur les marchés en 2012 ? Ne devra-t-on pas avoir recours à la Banque centrale qui gèrera le FESF, malgré les interdits juridiques et politiques réaffirmés par Mario Draghi, nouveau président de la BCE. Celle-ci pourra financer les banques mais non les Etats.

Au-delà de ces incertitudes, se pose un problème politique majeur, celui de l’évolution du système européen face au triple défi du fédéralisme, de la démocratie et de la puissance.
Au moment où l’intergouvernementalisme semble triompher, le fédéralisme est sous toutes les plumes, à vrai dire plus souvent associé à la notion de contrainte qu’à celle d’avancées positives. La France, comme les autres contributeurs nets refuse toute augmentation du budget commun.
La démocratisation nécessaire d’une union plus intégrée oppose ceux qui considèrent que la démocratie ne peut s’exercer que dans le cadre national et ceux qui souhaitent que le Parlement soit partie prenante dans l’élaboration du nouveau traité, ou qui envisagent à terme un Exécutif européen élu au suffrage universel, ainsi que vient de le proposer la CDU lors de son congrès de Leipzig.
Le défi de la puissance n’est enfin pas près d’être relevé alors qu’existe un large consensus pour souhaiter l’émergence d’un pôle européen dans la mondialisation. L’Allemagne craint les engagements risqués, comme on l’a vu en Libye, la France ne conçoit un pouvoir européen qu’interétatique donc faible et incapable de mobiliser un soutien populaire.

En définitive, ce qui est le plus décevant, à mes yeux, dans l’accord du 9 décembre, c’est ce qui ne s’y trouve pas et dont apparemment on n’a même pas parlé : un budget commun qui donnerait à l’UE, non par des ressources nouvelles mais par le transfert d’impôts nationaux, les moyens qui lui manquent pour conduire ses politiques, des euro-obligations dont l’objet serait de financer des programmes transnationaux emblématiques dans les domaines de la recherche, des réseaux, du développement durable, pour équilibrer les effets récessifs des programmes de rigueur. La faute récurrente des élites européennes est de proposer une construction dont ils reconnaissent la nécessité, sans faire le moindre effort pour lui donner une image attractive susceptible de recueillir l’appui populaire. Sommes-nous à l’abri d’une révolte sociale ?

En dehors de l’accord du 9 décembre, deux sujets méritent de retenir l’attention : Durban et la Croatie. Sauvetage in extremis des engagements de Kyoto à Durban, sans progrès nouveau alors que la menace se confirme, voie ouverte à la Croatie alors que le statut de candidat n’a pas été accordé à la Serbie à la suite de sérieux incidents provoqués par la minorité serbe du Nord du Kosovo.

02 décembre 2011

Deux réponses inappropriées

Paris, 2 décembre. Le refus du fédéralisme par le président Sarkozy tout comme le refus de toute contrainte budgétaire supranationale par François Hollande sont un nouvel exemple de la persistance d’illusions françaises bien partagées. Un gouvernement européen exclusivement intergouvernemental serait assimilé à un directoire franco-allemand ou plutôt germano-français et ne permettrait aucun débat démocratique ouvert. L’acceptation de décisions à la majorité qualifiée par les Etats suppose qu’elles ne résultent pas seulement de rapports de force, mais qu’elles soient adoptées à partir de propositions émanant d’une instance indépendante des intérêts nationaux ainsi que l’avait prévu le traité de Rome. La proposition allemande d’élire le président de l’Europe au suffrage universel est pour le moins prématurée. Elle marque cependant l’attachement de notre principal partenaire à cette culture communautaire qui semble avoir disparu chez nous. La gravité de la crise rend également dangereux le refus par les socialistes d’une discipline budgétaire réellement contraignante. Le temps n’est plus où les prêteurs se contentaient de déclarations d’intention dont l’expérience montre qu’elles sont rarement suivies d’effet. Nous demandons avec raison aux Allemands plus de solidarité. Ils ont raison de nous demander plus de discipline.