12 décembre 2011

Après l'accord du 9 décembre

Paris, 12 décembre. Ci-dessous mon analyse pour ARRI des accords de vendredi dernier. Je doute qu’ils suffisent à mettre fin à la crise. J’observe aussi que les deux principaux candidats à la présidentielle font campagne sur la défense de notre souveraineté et le refus de donner plus de moyens et de compétences à l’UE.
Observatoire de l’Europe 12 décembre 2011
La crise financière qui frappe l’Europe s’est aggravée au point que la survie de l’euro a été ouvertement mise en cause. Trois pays parmi les plus en difficulté ont changé de gouvernement, en Grèce, en Italie sous la pression de l’endettement et en Espagne à la suite d’élections.
La séquence vient d’aboutir à l’accord conclu le 9 décembre à Bruxelles, à partir de propositions arrêtées quelques jours plus tôt par le couple « Merkozy ». Un accord obtenu au petit matin, pour la première fois sans recherche de l’unanimité à tout prix. L’essentiel de l’accord consiste à renforcer, dans chacun des Etats membres, la discipline budgétaire en introduisant dans leur ordre juridique constitutionnel une « règle d’or » de retour à l’équilibre. Il n’est pas facile de porter un jugement objectif sur cet accord conclu après une phase d’extrême dramatisation et présenté comme historique.

Les éléments positifs me paraissent les suivants :
- Fermeté opposée aux prétentions britanniques de choisir ce qui leur convient et de se tenir à l’écart de tout le reste. Il est remarquable que Cameron n’ait été suivi par aucun des pays hors zone euro, bien que la République tchèque et la Hongrie aient marqué un temps d’hésitation. Ainsi devrait-on éviter une coupure avec les pays d’Europe centrale, notamment avec la Pologne très hostile à une Europe à deux niveaux.
- Acceptation générale, y compris par la France, d’une vraie discipline budgétaire. Les sanctions seront semi-automatiques, c'est-à-dire décidées par la Commission, le Conseil ne pouvant s’y opposer qu’à la majorité qualifiée. On a enfin pris conscience de ce que l’on ne pouvait accumuler indéfiniment déficits et dettes.
- Espoirs, qui restent à confirmer, d’une harmonisation plus poussée des politiques économiques, sociales et fiscales.
- Solidité du couple franco-allemand parvenu à une position commune malgré de profondes divergences de culture politique et institutionnelle.

Les incertitudes ne peuvent être ignorées :
- Comment un traité intergouvernemental ne liant pas tous les Etats membres de l’UE pourra-t-il s’insérer dans le système juridico-institutionnel communautaire ? Or il est prévu que la Cour de Justice contrôlera les « règles d’or » adoptées par chaque pays et que la Commission en contrôlera le respect. M. Cameron a déjà annoncé qu’il s’opposera à l’utilisation des institutions de l’UE. Pourquoi n’avoir pas eu recours à la formule des coopérations renforcées ?
- Comment éviter l’engrenage récessif qui parait devoir résulter de l’application générale et simultanée de mesures de rigueur, en l’absence de soutiens à la croissance ?
- Pourra-t-on infliger des sanctions financières à l’encontre de pays en très grande difficulté ?
- Les ressources du Fonds européen de stabilité, éventuellement secondé par le FMI, seront-elles suffisantes pour faire face à une éventuelle impossibilité où pourraient se trouver les pays les plus endettés de se refinancer sur les marchés en 2012 ? Ne devra-t-on pas avoir recours à la Banque centrale qui gèrera le FESF, malgré les interdits juridiques et politiques réaffirmés par Mario Draghi, nouveau président de la BCE. Celle-ci pourra financer les banques mais non les Etats.

Au-delà de ces incertitudes, se pose un problème politique majeur, celui de l’évolution du système européen face au triple défi du fédéralisme, de la démocratie et de la puissance.
Au moment où l’intergouvernementalisme semble triompher, le fédéralisme est sous toutes les plumes, à vrai dire plus souvent associé à la notion de contrainte qu’à celle d’avancées positives. La France, comme les autres contributeurs nets refuse toute augmentation du budget commun.
La démocratisation nécessaire d’une union plus intégrée oppose ceux qui considèrent que la démocratie ne peut s’exercer que dans le cadre national et ceux qui souhaitent que le Parlement soit partie prenante dans l’élaboration du nouveau traité, ou qui envisagent à terme un Exécutif européen élu au suffrage universel, ainsi que vient de le proposer la CDU lors de son congrès de Leipzig.
Le défi de la puissance n’est enfin pas près d’être relevé alors qu’existe un large consensus pour souhaiter l’émergence d’un pôle européen dans la mondialisation. L’Allemagne craint les engagements risqués, comme on l’a vu en Libye, la France ne conçoit un pouvoir européen qu’interétatique donc faible et incapable de mobiliser un soutien populaire.

En définitive, ce qui est le plus décevant, à mes yeux, dans l’accord du 9 décembre, c’est ce qui ne s’y trouve pas et dont apparemment on n’a même pas parlé : un budget commun qui donnerait à l’UE, non par des ressources nouvelles mais par le transfert d’impôts nationaux, les moyens qui lui manquent pour conduire ses politiques, des euro-obligations dont l’objet serait de financer des programmes transnationaux emblématiques dans les domaines de la recherche, des réseaux, du développement durable, pour équilibrer les effets récessifs des programmes de rigueur. La faute récurrente des élites européennes est de proposer une construction dont ils reconnaissent la nécessité, sans faire le moindre effort pour lui donner une image attractive susceptible de recueillir l’appui populaire. Sommes-nous à l’abri d’une révolte sociale ?

En dehors de l’accord du 9 décembre, deux sujets méritent de retenir l’attention : Durban et la Croatie. Sauvetage in extremis des engagements de Kyoto à Durban, sans progrès nouveau alors que la menace se confirme, voie ouverte à la Croatie alors que le statut de candidat n’a pas été accordé à la Serbie à la suite de sérieux incidents provoqués par la minorité serbe du Nord du Kosovo.

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