Platier 9 juin
Tout d’abord les résultats
Une fois de plus l’abstention massive et de nouveau en progrès en France et ailleurs démontre l’incapacité des élites à susciter l’intérêt des peuples pour ce qui demeure le grand dessein géopolitique de notre temps. Or ce grand dessein ne connaîtra son accomplissement tant qu’il ne sera pas porté par une plus forte adhésion populaire. Parmi les causes de ce désintérêt, Jean-Louis Bourlanges privilégie l’attitude des gouvernements unanimes à faire semblant que l’Europe politique existe, alors qu’ils lui refusent les moyens d’exister. Un autre ancien député européen Michel Rocard a expliqué dans nos derniers Cahiers que le triple clivage – droite-gauche, fédéralistes-souverainistes, intérêts nationaux – contribuait au sérieux des travaux du Parlement mais ne favorisait pas le spectacle. Si déplorable qu’elle soit, gardons-nous de tirer des conclusions erronées de l’abstention. Tous les ensembles fédéraux, à l’exception de l’Allemagne qui a connu pour son malheur sa phase d’unitarisme, connaissent une abstention massive aux scrutins fédéraux.
Celles des listes en présence qui ont mis en avant les enjeux européens et le défi climatique en ont tiré bénéfice au détriment de celles qui ont fait de la politique intérieure. Les contestataires les plus radicaux de l’Union n’ont pas fait recette. L’extrême gauche, sous ses deux dénominations, a dirigé ses attaques sur les politiques et non plus sur un cadre institutionnel qu’elle récusait naguère.
L’Europe face à la crise
L’impuissance de l’Europe à répondre aux angoisses que génèrent dans une large partie du corps social les conséquences, en particulier pour l’emploi, d’une crise dont on ne voit pas la fin est aussi un puissant facteur d’euroscepticisme. Les grandes réunions médiatisées de chefs d’Etat ou de gouvernement, qu’elles soient au niveau de la zone euro, de l’UE ou du G 20, les annonces de règles nouvelles, celles par exemple contenues dans l’excellent rapport Larosière sur la régulation financière, la fin annoncée mais non accomplie des paradis fiscaux ou des rémunérations extravagantes ne sauraient remplacer une action massive de prise en charge des victimes, financière mais plus encore sous forme d’offres de formation. Or les instruments dont dispose l’Europe dans ces domaines, fonds social et depuis peu fonds d’adaptation à la mondialisation, sont dramatiquement sous-dimensionnés. Enserrée dans des cadres trop étroits, leur action est largement ignorée. De même, la coordination, au demeurant plus formelle qu’effective, de plans de relance nationaux ne saurait avoir l’impact psychologique et l’efficacité opérationnelle qu’aurait eu un plan de relance européen financé par le budget européen et privilégiant le développement durable. Au moment où le moteur franco-allemand prétend redémarrer, un examen de conscience des deux pays serait bienvenu : récurrent laxisme budgétaire de la France, égoïsme proclamé de l’Allemagne, refus des deux pays de donner un budget à l’UE…
Ce n’est pas un hasard si la seule institution vraiment fédérale de l’Union, avec la Cour de Justice, est celle dont l’action apparait à la fois la plus pertinente et la plus protectrice. La Banque centrale, longtemps critiquée pour une politique qui s’est révélée plus judicieuse que celle de la Fed américaine tant vantée, a pu, en coopération avec ses homologues, assurer la liquidité des banques. Ses interventions dites non conventionnelles contribuent utilement au redémarrage du crédit bancaire. L’euro donne aux pays qui l’ont adopté une garantie contre les attaques spéculatives dont on ne soulignera jamais assez la valeur pour les pays à tradition inflationniste. Il resterait à mutualiser la capacité d’emprunt des Etats membres de la zone euro pour que soit définitivement écarté tout risque de défaillance d’un Etat de faible dimension. Mais cela supposerait un pas en avant vers le fédéralisme auquel nos Etats ne sont pas prêts.
L’Europe dans le monde et le traité de Lisbonne
Que l’Europe gagnerait à être plus unie, un bref tour du monde et plus encore des questions qui agitent le monde, la Russie, la Chine, la nouvelle politique des Etats-Unis, la paix au Moyen-Orient, le défi climatique, la prolifération nucléaire, en apporte autant de démonstrations. Lors d’une récente conférence ARRI, Jean-Pierre Lévy chef de la cellule de prospective du Quai d’Orsay nous disait avoir été témoin de la satisfaction des dirigeants russes à l’annonce de l’échec du référendum sur le traité constitutionnel. Voilà qui en dit long sur le prix de nos divisions, en particulier sur la question capitale de notre approvisionnement en gaz. Le traité de Lisbonne élargit aux questions énergétiques les compétences de l’UE, renforce le statut du Haut Représentant pour la politique étrangère qui sera désormais vice-président de la Commission et présidera le Conseil des ministres des Affaires étrangères et crée un président à temps plein et à mandat prolongé du Conseil européen. Sa ratification devrait contribuer à favoriser une politique commune dont la nécessité est aveuglante en ce domaine comme dans bien d’autres. L’éventualité d’élections prématurées au Royaume-Uni qui amèneraient M.Cameron au pouvoir fait peser sur le traité de Lisbonne un aléa au moins aussi redoutable que l’humeur changeante des citoyens irlandais appelés aux urnes en octobre.
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