20 juin 2007

Le sommet du solstice :Quitte ou double

Platier 20 juin 07 Les dirigeants de notre Europe seront-ils éclairés en ces jours les plus longs de l'année ? L'opinion française, distraite par les péripéties post-électorales, ne mesure pas l'ampleur de l'enjeu du Conseil européen qui s'ouvrira demain à Bruxelles. Si Angela échouait, on ne voit pas qui, avant longtemps, pourrait réparer les dégâts. Cette fois l'échec, si échec il devait y avoir, ne serait pas imputable à la France, apparamment prête à réparer les dégâts du referendum. Mais que d'occasions perdues et depuis longtemps par notre pays ! C'est le thème qu'a retenu Thomas Ferenczi dans son commentaire de mon livre Aimer l'Europe paru dans le Monde daté de ce jour sous la rubrique le livre du jour.
Etant sans liaison internet jusqu'à la fin du mois, je commenterai avec quelque retard les résultats du Conseil européen. Puissent-ils démentir un pronostic plutôt pessimiste.

14 juin 2007

Les enjeux du Conseil européen des 21 et 22 juin

Platier 14 juin 07

Relance ou approfondissement de la crise européenne ? Pas plus que la campagne présidentielle, celle des législatives n’aura éclairé nos compatriotes sur les enjeux du Conseil européen des 21 et 22 juin. L’intention de la présidence allemande est, au prix de concessions formelles, de régler l’ensemble des questions pendantes en préservant l’essentiel des réformes contenues dans le traité constitutionnel. L’abandon du terme « constitution » semble acquis ainsi que tout ce qui, selon certains pourraient donner à l’Union la stature d’un Etat. Cet argument aurait pour effet d’éliminer du futur traité toute référence symbolique, qu’il s’agisse du drapeau aux douze étoiles, de l’hymne à la joie ou de la devise « unis dans la diversité ». Daniel Cohn-Bendit, avec la gouaille qu’on lui connaît, a dénoncé le caractère ridicule et dérisoire de ces exigences, heureusement démenties par l’apparition de l’étendard européen dans la photo officielle du nouveau président de la République.
Contrairement à beaucoup de commentaires inspirés, les désaccords demeurent nombreux et pas seulement du côté de la Pologne : domaine du vote majoritaire, répartition des voix au sein du Conseil des ministres, statut de la charte des droits fondamentaux, personnalité juridique de l’Union, primauté du droit communautaire, titre et statut du ministre des Affaires étrangères, composition de la Commission, droits des parlements nationaux, détermination de critères pour les futures adhésions.

Les Britanniques refusent l’extension du vote majoritaire aux affaires de justice et de police, vivement contestée par les Tories et la presse populaire, Cette extension est la condition d’une lutte efficace contre la criminalité internationale qui répond à une attente des citoyens.
Les Polonais refusent la règle de la double majorité des voix (55% des Etats, 65% de la population pour les décisions du Conseil prises à la majorité qualifiée). A défaut du système de Nice qui leur donnait, comme aux Espagnols, un nombre de voix proche de celui des pays les plus peuplés, ils proposent une formule intermédiaire (la racine carrée des populations) qui n’est pas absurde mais qui présenterait l’inconvénient de remettre en cause l’équilibre d’ensemble.
Les Britanniques redoutent que l’octroi d’une valeur juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux ne conduise à une remise en cause des limitations imposées par Margaret Thatcher aux prérogatives des syndicats auxquelles Tony Blair s’est bien gardé de toucher. Ils invoquent aussi, avec quelques autres, le caractère symbolique de la Charte qui évoquerait un Etat, oubliant que l’ONU et le Conseil de l’Europe ont leurs propres Déclarations des droits humains fondamentaux. L’hypothèse d’une dérogation accordée au seul Royaume-Uni est envisagée. Elle n’aurait guère de portée pratique mais le symbole serait cruel pour Londres.
Le refus de la personnalité juridique de l’Union appellerait, s’il devait subsister, la création d’une Europe à deux niveaux, celui d’une union politique et celui d’une zone d’échanges. De même celui de la primauté du droit communautaire ébranlerait ce qu’il y a de plus solide dans l’acquis communautaire. Un tel recul est impensable. Renoncer à une affirmation explicite de ce principe dans le traité laisserait intacte la jurisprudence de la Cour de Justice.
Les considérations de forme et de fonds se mêlent concernant le titre et les attributions du ministre des Affaires étrangères qui, selon le traité constitutionnel, devait être rattaché à la fois au Conseil et à la Commission dont il devait devenir l’un des vice-présidents. Certains Etats vont jusqu’à contester la notion même de politique étrangère de l’Union. Cette position, si elle devait être maintenue, devrait les exclure d’une éventuelle union politique. Une fois de plus, le compromis pourrait consister à sacrifier la forme pour sauver le fond, renoncer au titre de ministre en conservant sa fonction, son double rattachement et la mise à sa disposition d’un service diplomatique.
A toutes ces difficultés s’en ajoutent deux autres soulevées par les Pays-Bas, jadis fédéralistes et convertis à un certain souverainisme depuis leur referendum. Ils exigent des critères explicites pour l’adhésion de nouveaux membres, ce qui ne devrait pas soulever de difficultés considérables, sinon de la part de leurs amis britanniques hostiles à tout ce qui pourrait entraver ou ralentir l’élargissement de l’Union. Plus discutable est leur demande d’un droit de veto des parlements nationaux sur les initiatives de la Commission.

Le Parlement européen a adopté début juin, à une très forte majorité, une résolution de sa commission constitutionnelle en faveur du maintien des avancées contenues dans le traité constitutionnel tout en acceptant des assouplissements de forme. Un avis négatif sur un traité simplifié qui s’éloignerait trop de cette exigence rendrait sa ratification problématique dans plusieurs pays, à commencer par l’Italie de Romano Prodi. L’ancien président de la Commission a récemment multiplié les mises en garde menaçant les minimalistes de cette Europe à deux niveaux qu’ils rejettent tout en la rendant inévitable.
En outre, la résolution du Parlement « reconnaît la nécessité de tenir compte de questions essentielles qui ont été soulevées pendant la période de réflexion et de clarifier d’autres questions déjà abordées dans le traité constitutionnel ». Sont notamment mentionnés à ce titre la lutte contre le changement climatique, la solidarité dans le domaine de l’énergie qui intéresse tout spécialement la Pologne, la politique de migration, la coordination des politiques dans la zone euro. Le Parlement semble souhaiter que des dispositions nouvelles soient introduites sur ces différents points. C’est la thèse dite du « traité plus » qui donnerait une impulsion aux politiques communes et compenserait en quelque sorte les reculs symboliques.

La menace d’une cassure de l’Union entre ceux qui veulent aller de l’avant et les autres est sans doute la meilleure arme dont dispose Angela Merkel pour convaincre les récalcitrants. On voit mal Tony Blair terminer sa carrière de Premier Ministre par un nouvel isolement du Royaume-Uni et les frères Kaczynski ignorer le sentiment désormais très europhile du peuple polonais. Reste la France dont le nouveau président aura contribué avec détermination à la recherche d’un accord mais au prix de l’abandon de toute perspective constituante à plus long terme. Il faut saluer l’appel lancé par le collectif « Sauvons l’Europe » en faveur d’une sauvegarde des avancées du traité constitutionnel. En définitive, le vote du 29 mai 2005 aura fait reculer les chances d’un rééquilibrage de la construction européenne vers plus de volontarisme politique et social.

03 juin 2007

Promouvoir les identités multiples

Paris 3 juin La campagne électorale a fait surgir le thème de l’identité nationale et même, de la part de Ségolène Royal, celui du drapeau. Ce discours répond à une aspiration de l’opinion à un retour aux valeurs traditionnelles du patriotisme. Il pourrait être accueilli sans réserves s’il s’inscrivait dans un effort de promotion des identités multiples. Une des causes de la panne européenne est l’absence de tout effort pour familiariser l’opinion avec cette notion qui devrait être à la base d’une éducation civique adaptée à notre temps. Il faut apprendre aux jeunes qu’ils appartiennent à plusieurs cercles de solidarité, que l’on peut être attaché à sa petite communauté et un bon citoyen de son pays, que l’on peut aimer la France et se sentir européen, que l’on peut être un bon citoyen de l’Europe et du monde.
Une grande politique de l’identité devrait être un élément essentiel de la relance européenne, un élément permettant de distinguer les partisans de l’Europe politique de ceux qui souhaitent réduire l’Union à un espace d’échanges (voir le chapitre 3 de mon livre Aimer l’Europe). Cette politique devrait comporter au moins quatre actions : le maintien et la promotion des symboles d’appartenance qu’ils soient ou non mentionnés dans le nouveau traité, la généralisation d’un enseignement civique fondé sur l’apprentissage des identités multiples, l’utilisation à cette fin de la télévision, enfin le développement de toutes les formes d’échanges de jeunes, notamment l’extension, par des incitations fortes, du service volontaire européen. Ce programme pourrait faire l’objet d’une proposition du Mouvement européen France à ses homologues des autres pays et au Mouvement européen international. Ce pourrait être l’un des thèmes majeurs de prochains Etats généraux de l’Europe, faisant suite à ceux qui se sont tenus à Lille avec un grand succès le 17 mars dernier.