Platier 3 juillet 07
Que retenir des multiples commentaires, souvent contradictoires, relatifs à l’accord péniblement arraché à Bruxelles grâce aux efforts d’une Chancelière allemande d’exception, secondée par l’activisme de notre nouveau Président ?
On peut d’abord se réjouir que la quasi-totalité des réformes juridiques et institutionnelles contenues dans le défunt traité constitutionnel aient été préservées. Mais ce succès a été payé d’un prix élevé qui justifie la mauvaise humeur exprimée par Jean-Claude Juncker, Romano Prodi et Guy Verofstadt. Contrairement à l’obstination des frères Kaczinski qui a fini par céder au prix d’un délai de dix ans pour l’abandon des pondérations de Nice, celle de Tony Blair au fond moins fondée a eu presque entièrement gain de cause.
Rappelons d’abord les réformes acquises : l’extension du domaine des décisions qui échappent à l’exigence paralysante de l’unanimité, notamment en matière de police et de justice, l’extension corrélative des pouvoirs de codécision du Parlement, la référence à la Charte des droits fondamentaux dont le caractère juridiquement contraignant est admis par tous les Etats, à la seule exception peu glorieuse de la Grande-Bretagne, la reconnaissance de la personnalité juridique de l’Union, l’octroi de la présidence du Conseil européen à une personnalité n’exerçant pas de fonctions nationales pour un mandat renouvelable de deux ans et demie, l’attribution au haut représentant pour les Affaires étrangères et la Défense de la position (double rattachement au Conseil et à la Commission, des attributions et des moyens (service diplomatique), présidence du Conseil des Affaires étrangères par ce Haut-Représentant, la création d’une procédure d’alerte ouverte aux parlements nationaux en vue du respect du principe de subsidiarité, les coopérations renforcées rendues plus faciles.
Le prix qu’il a fallu payer pour ces résultats est double. L’abandon des symboles mais aussi l’absence de toute correction des lacunes et des faiblesses du traité constitutionnel. Tout a été dit sur l’importance des symboles et l’absurdité de leur abandon alors qu’on prétend vouloir rapprocher l’Europe des citoyens. Cet abandon a même un côté ridicule. L’étendard aux douze étoiles continuera d’être arboré, y compris désormais dans toutes les mairies de France sur la photo officielle du président de la République, l’ode à la joie d’être jouée, le 9 mai d’être fêté. Règlements et directives auront toujours valeur contraignante même si elles ne se transforment pas en lois. Cette décision lamentable n’en marque pas moins un recul inquiétant de l’esprit européen, celui qui avait longtemps soutenu les bâtisseurs de l’Europe.
Tout aussi grave, mais moins souvent soulignée, est l’absence de toute correction, de toute addition positive aux dispositions les plus contestables du traité constitutionnel. On espérait un renforcement des dispositions relatives à l’énergie, au climat, à l’immigration, au social. On pouvait espérer une composition de la Commission assurant mieux son autorité. Au lieu de cela, l’élimination de la mention de la concurrence non faussée des objectifs de l’Union, dont elle demeure un instrument essentiel, apparaît comme une concession heureusement sans portée aux tenants français du non de gauche. Dans la remarquable analyse que Valéry Giscard d’Estaing a donnée au Monde (n° daté du 15 juin), l’ancien président de la Convention aurait pu rappeler qu’il avait consenti à Tony Blair l’énorme concession du maintien du veto en matière fiscale en échange de son accord sur tout le reste. La remise en cause symbolique de l’Europe politique aurait justifié celle du veto fiscal. Cet ultime succès de la diplomatie anglaise pourrait se transformer en victoire à la Pyrrhus. Jamais l’irritation contre le négativisme britannique n’a été aussi vif, ainsi qu’en témoignent les récentes déclarations de Romano Prodi. Si le nouveau premier ministre Gordon Brown devait confirmer sa réputation d’euroscepticisme, une pression pourrait s’exercer sur la Grande- Bretagne en vue de son retrait de l’Union. A défaut, une avant-garde composée des Etats prêts à aller vers une Europe plus intégrée et plus politique mais demeurant ouverte à tous devrait être envisagée. L’attitude positive de la plupart des nouveaux membres, exception faite de la Pologne et de la Tchéquie, laisse espérer que ces pays s’inscriraient dans l’avant-garde. A une diplomatie française délivrée du poids d’un désastreux referendum de faire oublier les propos de Jacques Chirac sur les mal élevés qui avaient perdu une occasion de se taire !
03 juillet 2007
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2 commentaires:
Je viens de lire (avec un peu de retard) votre livre sur aimer l'Europe. Félicitations sincères et chaleureuses.Je lui ai conscré une longue note de lecture sur RELATIO, l'Europe en REVUE. très respectueusement. Daniel RIOT
http://relatio.blogspirit.com/archive/2007/07/04/livre-aimer-l-europe-de-robert-toulemon-ou-l-imperative-nece1.html
Je lis avec retard votre message et vous en remercie. Pouvez- vous me donner quelque information sur vous et sur RELATIO ?
Merci.
toulemon.robert@wanadoo.fr
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