30 mars 2014

Le prix lourd de la non-Europe politique




Platier, 30 mars.

Face au mécontentement exprimé par les électeurs, François Hollande ne peut échapper à la politique d’assainissement budgétaire que lui impose, bien plus que ses engagements européens, le risque de ne plus pouvoir financer nos déficits. De plus en plus nombreux sont les économistes qui dénoncent l’effet contra-cyclique de cette politique. Une forte réduction des dépenses publiques peut contrarier la reprise de la croissance sans laquelle le retour à l’équilibre est plus douloureux. Si l’Europe politique existait, si elle disposait d’un budget substantiel alimenté par des ressources propres et d’une capacité d’emprunt qui lui soit propre, les politiques restrictives imposées aux pays endettés pourraient être compensées par des politiques de soutien à la recherche, à l’innovation, à la transition énergétique et à la lutte contre le risque climatique. La solidarité européenne pourrait aussi se traduire par un renforcement des politiques déjà engagées en faveur des jeunes sans emploi. Ce qui apparait aujourd’hui comme un rêve hors d’atteinte aurait pu être réalité si nous n’avions pas repoussé à de nombreuses reprises les offres allemandes en faveur de la constitution d’un noyau fédéral. Il nous reste l’espoir que l’Allemagne de la grande coalition comprenne qu’il est de son intérêt d’aider les pays du Sud à sortir de leur déréliction et de rendre par là-même sa crédibilité au projet européen. Les réactions favorables de Berlin aux projets de relance du nouveau chef de gouvernement italien Matteo Renzi alors que l’Italie s’apprête à assumer la présidence semestrielle sont encourageantes.

24 mars 2014

Pour une alliance mondiale des démocraties



            L’annexion de la Crimée et les menaces sur l’Ukraine remettent au premier plan la question de la sécurité collective, assurée sur notre continent par l’OTAN, en l’absence d’une politique européenne de défense crédible. Sans prétendre se substituer à l’OTAN, l’UE pourrait valoriser davantage son image de défenseur mondial des droits humains fondamentaux et de la démocratie pluraliste. Dans la nouvelle guerre froide ouverte par Poutine, il est essentiel que nous parvenions à susciter la sympathie, sinon l’appui, d’une part aussi large que possible de l’opinion mondiale. Cette guerre se mène en effet aussi sur le terrain de la communication. On ironise parfois à propos des interventions du Parlement européen en faveur des victimes des persécutions dans les diverses parties du monde. On devrait, à l’inverse, situer ces démarches dans le cadre d’une géopolitique ambitieuse visant à mettre en relief ce qu’ont en commun les régimes politiques respectueux de l’état de droit. Cela supposerait que nous-mêmes et nos amis Etats-Uniens tenions davantage compte de ce facteur dans les relations que nous entretenons avec ceux des grands émergents qui, le reconnaissant ou non, s’inspirent de notre modèle. Cela supposerait aussi que nous fassions les plus grands efforts pour les associer à nos interventions lorsqu’il est nécessaire de faire face à de situations d’anarchie ou à des menaces de génocide. Cela supposerait enfin que nous montrions moins de complaisance à l’égard de certains Etats criminels, fussent-ils nos fournisseurs de pétrole ou de gaz.

18 mars 2014

Réponse à Nicolas Dupont-Aignan

Paris, 18 mars.
L'ENA hors les murs, revue des anciens élèves de l'ENA publie dans sa dernière livraison ma réponse à un article du député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. Ce texte est reproduit ci-dessous.



            L’excellent dossier Regards sur 2013 contenu dans ENA hors les murs de décembre 2013 ne contient qu’une seule contribution relative à l’Europe, celle de Nicolas Dupont-Aignan. Elle présente de l’avenir européen une vision totalement négative préconisant la sortie, non seulement de l’euro, mais de l’ensemble des traités européens dans lesquels s’inscrit aujourd’hui l’avenir de notre pays.
            Permettez à quelqu’un qui a consacré une grande partie de sa carrière et de sa vie de citoyen à la construction européenne de contester une thèse qui, proposant de jeter le bébé avec l’eau du bain, reviendrait, si elle devait l’emporter, à ruiner le grand dessein poursuivi, non sans hésitations mais  avec une remarquable continuité, depuis plus de soixante ans, par nos présidents successifs. Les imperfections de l’Union européenne sont évidentes. Elles résultent, pour l’essentiel du refus des Etats membres de lui donner les pouvoirs et les moyens qui lui auraient permis de relever plus vigoureusement les défis de la mondialisation et de faire face à la crise plus rapidement et donc à un moindre coût. S’y ajoute la conversion des élites à un système économique caractérisé par le court-termisme, le primat de la concurrence sur l’harmonisation et un creusement sans précédent des inégalités.
             Pour ce qui est de la France et plus encore des pays du Sud, Espagne, Italie, Portugal et Grèce, la légèreté avec laquelle des gouvernements de tendances diverses ont abusé des facilités offertes par leur adhésion à l’euro pour laisser filer leurs déficits et s’endetter à tout va n’est en rien imputable aux traités européens. On imagine ce que serait l’instabilité monétaire et l’appauvrissement des pays qui décideraient  d’abandonner l’euro. C’est pourquoi aucun ne l’envisage.
            Contrairement à tant de pronostics, dont ceux de Nicolas Dupont-Aignan, l’euro est actuellement hors de danger. La mise en place d’une union bancaire, bien que trop étalée dans le temps, apportera un élément supplémentaire de sécurité. Néanmoins la pérennité de l’euro ne sera définitivement assurée qu’au prix de nouveaux progrès dans la discipline et la solidarité, autrement dit en direction d’une union politique qui se fait attendre. L’Europe manque de gouvernements assez courageux pour combattre un euroscepticisme qu’ils ont entretenu en lui attribuant la responsabilité de mesures d’autant plus impopulaires qu’elles ont trop tardé. Il nous reste à espérer qu’une nouvelle génération d’hommes et de femmes d’Etat proposera à des populations désabusées la vision d’un nouveau pas en avant dans le resserrement les liens, non seulement au plan budgétaire et fiscal mais à celui de la politique étrangère et de la défense.
             Comment, sur un autre plan, ignorer la réussite magnifique que représente la stabilisation des pays sortis de l’empire soviétique et qui tous, sans exception, ont souhaité rejoindre notre Union si imparfaite mais si porteuse d’avenir ? Comment ignorer la contribution de l’Europe à la promotion de l’égalité hommes-femmes, à la protection de l’environnement et des consommateurs et, plus généralement, à la consolidation de la démocratie ? Comment ne pas voir que les défis mondiaux de la prolifération nucléaire, du changement climatique, de l’explosion démographique de l’Afrique, de la pression migratoire, des différentes formes de terrorisme ne pourront être efficacement relevés sans une forme d’organisation supranationale du type de celle que nous construisons laborieusement en Europe et qui nous vaut, malgré nos difficultés présentes, une reconnaissance universelle ?
                                                                       Robert Toulemon
                                                                       Promotion Félix Eboué