30 mai 2012

Observatoire de l'Europe

Paris, 30 mai Ci-dessous les notes de mon "observatoire de l'Europe" présenté hier au club Europe d'ARRI. Sortir de la crise par le haut L’élection de François Hollande coïncide avec une sensible aggravation de la crise européenne. Crise des dettes plutôt que crise de l’euro qui demeure une monnaie forte, encore légèrement surévaluée. Crise d’une union monétaire privée du support d’une union économique, budgétaire, fiscale et politique. La volonté de compléter les politiques de retour à l’équilibre budgétaire par un soutien à la croissance est unanime. Mais il existe un profond désaccord sur la nature de ce soutien. Pour la chancelière allemande, la croissance doit être recherchée par des mesures améliorant la compétitivité et libérant la concurrence. Il ne saurait être question d’augmenter un endettement déjà excessif ou de le mutualiser, ce qui aurait pour effet de renchérir le taux auquel l’Allemagne finance son propre déficit (zéro) et surtout de réduire la pression en vue du retour à l’équilibre. Pour le nouveau président français, la réduction des déficits serait impossible sans croissance. Cercle vicieux. Plutôt que des réformes structurelles ou des réductions de dépenses impopulaires, il propose le recours à la capacité d’emprunt de l’Union, sinon pour mutualiser les dettes anciennes, du moins pour financer des investissements. Des projects bonds pourraient accélérer le développement des différents réseaux de transport et de communication, des programmes d’économie d’énergie ou de lutte contre les émissions de CO2. Des formules de compromis sont possibles. L’augmentation du capital de la BEI qui lui permettra d’accroître le volume de ses opérations mal connues mais très utiles semble acquise. Un groupe de conseillers économiques du gouvernement de Berlin a proposé une mutualisation partielle des dettes qui allègerait la charge des pays en difficulté. En revanche, le recours à la BCE pour financer directement les Etats se heurte à un tabou majeur en Allemagne. Un autre motif d’irritation à l’égard de la politique allemande est en voie d’atténuation. En encourageant une hausse sensible des salaires et l’inflation, certes contrôlée qui en résultera, en envisageant la création d’un salaire minimum, l’Allemagne contribue au rééquilibrage des échanges au sein de la zone euro. Ce différend franco-allemand se greffe sur le problème posé par l’incapacité de la Grèce de mettre en œuvre le plan de rigueur qui lui a été imposé. Il est difficile de faire la part des responsabilités dans cette crise. Les dérapages grecs ont été facilités par le refus de l’Allemagne et de la France d’autoriser la Commission à enquêter en Grèce, ainsi que vient de le rappeler Romano Prodi. Les réformes tendant à doter l’Etat grec des structures qui lui manquent ne peuvent donner de résultats à court terme. Encore faudrait-il qu’elles soient entreprises avec détermination ce qui ne parait pas être le cas. On peut regretter que la troïka (Commission, Banque centrale, FMI) ait davantage mis la pression sur des mesures d’extrême austérité pesant principalement sur les salariés, plutôt que sur des réformes qui, à terme, devraient permettre une répartition plus équitable des sacrifices. La raison voudrait qu’un nouvel effort de solidarité soit consenti en faveur des Grecs mais conditionné à la mise en œuvre des réformes. Le scrutin du 17 juin sera décisif. Un succès des partis qui refusent le programme d’austérité, tout en prétendant conserver l’euro, ferait peser la menace d’une faillite complète et d’une sortie de la zone euro qui aggraverait le drame grec et porterait une atteinte grave à la confiance dans la pérennité de la monnaie unique. Effet domino. Moins dramatique, la situation de plusieurs pays membres de la zone suscite des inquiétudes. L’Italie conduit, sous l’autorité de l’ancien commissaire européen Mario Monti un programme de réformes courageux, en particulier contre l’évasion fiscale et les professions fermées. La situation des banques espagnoles est préoccupante. Le refus de Rajoy de faire appel à l’aide est de moins en moins crédible. Le renflouement de Bankia exige plus de 20 millards. La France est à la merci d’un changement d’humeur des marchés qui lui permettent encore d’emprunter à des taux supportables. Au-delà de ses aspects techniques, la crise des dettes souveraines suscite dans les opinions publiques des réactions qui, pour être compréhensibles, n’en sont pas moins très dangereuses car de nature à détruire tout esprit de solidarité. Les Allemands ne veulent pas verser dans un puits grec qui leur parait sans fond ce qu’ils ont versé pour l’ancienne DDR. Les Grecs ressentent le plan d’austérité qui leur ait imposé comme une nouvelle occupation qui leur rappelle de mauvais souvenirs. On attend une grande voix qui affirmerait les fondements de l’Union et qui proposerait une sortie par le haut susceptible de rendre confiance aux Européens dans leur avenir collectif. L’Allemagne a, par des voix diverses, laissé entendre sa disponibilité pour un pas en avant fédéral qui équilibrerait la solidarité par l’imposition d’une discipline commune. Tel est l’objet du pacte budgétaire qui sera complété par un pacte de croissance mais qui devrait ouvrir la voie à une refondation démocratique de l’Union. Autre sujet d’actualité, l’évolution préoccupante de la situation au proche et moyen Orient face aux incertitudes égyptiennes, à la guerre civile en Syrie, au conflit à propos des ambitions nucléaires iraniennes, enfin à la dégradation de la situation en Afghanistan et au Pakistan. Chacun de ces sujets mériterait un exposé. Bornons-nous à constater une assez large unité de vues des Etats membres de l’UE sur ces questions, bien que tous ne participent pas à l’Alliance et que les sensibilités à propos du conflit israélo-palestinien ne soient pas identiques. Unité de vue en particulier sur la nécessité de trouver par les sanctions un moyen d’éviter une frappe sur les installations nucléaires iraniennes. Le retrait anticipé mais partiel des troupes françaises d’Afghanistan me parait être un moyen de faire accepter à la nouvelle majorité la décision sage de demeurer dans les structures de l’OTAN, contrairement à ce qui avait paru être la promesse d’un retrait. Je demeure personnellement de l’avis que la construction d’une relation de partenariat plus égalitaire Etats-Unis – Europe au sein d’une Alliance mise au service de valeurs communes est la seule voie conduisant à une identité européenne de défense. Cela supposerait un renforcement considérable du rôle de l’Agence européenne de défense qui devrait réunir l’ensemble des crédits de recherche en matière d’armements afin de mettre fin aux gaspillages générés par la dispersion entre une pluralité de budgets nationaux. L’évolution inquiétante de la Russie, après l’étrange permutation Poutine – Medvedev, le blocage russo-chinois sur la Syrie au Conseil de Sécurité rappellerait, s’il en était besoin, la nécessité de préserver une solidarité qui, d’Atlantique, devrait devenir celle de tous les pays attachés aux droits humains fondamentaux. De ce point de vue, le proche et moyen Orient nous offre un kaléidoscope de situations qui sont autant de défis : avenir européen d’une Turquie en croissance rapide, aléas démocratiques en Tunisie, Libye, Egypte, persistance de régimes dictatoriaux dans la péninsule arabique, menaces de chaos en Afghanistan – Pakistan. Cette région qui nous est si proche et si incertaine devrait être un bon terrain d’expérience pour la naissante diplomatie européenne.

12 mai 2012

Dette des Etats, dette de l'Europe

Paris, 12 mai. Nombreux sont ceux, en France, qui souhaitent un recours à la capacité d’endettement de l’UE sans établir le lien avec le pouvoir de lever l’impôt. Tant que les Etats n’auront pas décidé de reconnaître à l’UE la faculté de créer sa propre fiscalité, l’UE ne pourra emprunter qu’en faisant appel à la garantie des Etats membres, donc en augmentant leur dette déjà excessive. D’où les réticences allemandes. Le progrès en direction d’une Europe politique, en fait la création d’une fédération européenne, fût-elle une fédération d’Etats-nations, sans doute limitée à la zone euro compte tenu de l’hostilité britannique et scandinave à toute intégration politique, est la condition non explicitée mais bien réelle d’une sortie de crise durable. Tel est l’arrière-plan du premier contact entre la chancelière et le nouveau président.

09 mai 2012

Europe : une nouvelle approche

Paris, 9 mai. Le spectacle des deux présidents hier à l’arc de triomphe est à l’honneur de notre démocratie. Il ne nous empêche pas de regretter que la fête de l’Europe n’ait été substituée, ainsi qu’il en fut un moment question, à une célébration qui aurait pu être reportée au 11 novembre. Quoi qu’il en soit, on saura très vite si le nouveau quinquennat marque un infléchissement souhaitable de notre politique européenne en direction d’une plus grande attention à tous les partenaires et à toutes les institutions. L’urgence est de trouver un compromis entre rigueur et croissance. Pourquoi ne pas combiner le pacte budgétaire, sans y rien changer, et la mobilisation de la capacité d’emprunt de l’UE soit directe, soit par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissements ? Un tel compromis serait plus acceptable pour nos partenaires allemands s’il s’inscrivait dans la perspective de cette Europe politique fédérale sans laquelle l’avenir de l’union monétaire ne saurait être assuré.