27 décembre 2010

Les valeurs et les intérêts suivant Hubert Védrine

Paris, 26 décembre. Hubert Védrine disposera d’une chronique hebdomadaire en 2011 sur France Culture. Dans une intervention récente sur la chaîne, il a regretté, non sans motifs, que l’Europe défende mal ses intérêts, ajoutant que, sans une défense ferme des intérêts, celle des valeurs était illusoire. Pressé par les journalistes d’expliquer cette faiblesse de l’Europe, il s’est borné à observer que « le système n’est pas fait pour ça ». Explication un peu courte qui permet de ne pas mettre en cause la règle d’unanimité qui paralyse la politique étrangère européenne, ainsi que vient de le faire remarquer le ministre belge des Affaires européennes, à la lumière de son expérience d’exercice de la présidence. Le nouveau Service européen d’action extérieure qui est en train de prendre ses marques sous l’autorité de lady Ashton devrait contribuer à rapprocher les positions des gouvernements. Mais il lui manquera un atout essentiel, la menace de mettre un Etat en minorité. Le moment viendra où nos pays mesureront le coût du maintien intégral de leur souveraineté. Espérons qu’il ne sera pas trop tard.

22 décembre 2010

Hommage à Tommaso Padoa-Schioppa

Paris, 22 décembre. Un grand européen disparait. Tommaso Padoa-Schioppa ancien directeur général à la Commission et ancien ministre des Finances italien avait succédé à Jacques Delors à la présidence de l’association Notre Europe. Il figurait parmi les bâtisseurs de la monnaie unique mais aussi parmi ceux qui regrettaient son inachèvement. Dans un dernier entretien diffusé par Notre Europe, il signalait le double risque de l’endettement excessif et de mesures d’austérité trop brutales. Il soulignait que sans croissance l’assainissement des finances publiques est impossible. Il rappelait qu’une monnaie sans Etat est une cible logique pour la spéculation. Aussi souhaitait-il des progrès dans la direction d’un Etat européen par la création d’euro-obligations et d’un budget alimenté par des ressources ne transitant pas par les budgets nationaux et susceptibles de stimuler la croissance. Il avait accepté la fonction de conseiller pour la dette et la crise auprès du courageux premier ministre grec Georges Papandréou. Tommaso Padoa-Schioppa n’avait que soixante-dix ans. Son décès prématuré prive l’Europe d’un grand serviteur et l’Italie d’un citoyen exemplaire.

21 décembre 2010

La crise continue

Paris, 18 décembre 2010. Ce ne sont pas le refus franco-allemand d’utiliser la capacité d’emprunt de l’UE et plus encore le projet Cameron également soutenu dit-on par la France et l’Allemagne de bloquer le budget européen à son niveau actuel (moins de 1% du PIB) qui rendront sa crédibilité entamée à l’euro et à l’Europe. On cherche les hommes ou femmes d’Etat qui sauraient mettre à profit les difficultés actuelles pour proposer un nouveau pas en avant vers plus de discipline mais aussi plus de solidarité. Nul ne croit que la Grèce et l’Irlande pourront supporter le régime de cheval qui leur est administré et respecter leurs échéances. La persistance des incertitudes, la menace sur les autres pays endettés alimenteront les campagnes démagogiques proposant la solution de Gribouille : un éclatement de l’union monétaire qui, outre un appauvrissement massif des pays endettés, ruinerait les acquis inestimables de soixante ans de construction européenne.
On trouvera ci-dessous l’analyse de la crise qui m’a été demandée par la revue canadienne l’actualité fédérale à la suite de ma participation à un colloque commémorant l’appel de Robert Schuman.

Crise irlandaise, crise de l’euro, crise de l’Europe.

Les fédéralistes ont toujours affirmé que l’union monétaire européenne demeurerait fragile tant qu’elle ne prendrait pas appui sur une union politique. La crise actuelle en apporte une éclatante démonstration. Pour être durables, les solutions à la crise doivent marquer un renforcement concomitant de la discipline et de la solidarité au sein d’une union renforcée.
Les faiblesses d’une monnaie sans Etat
Après la crise grecque, celle que traverse l’Irlande est en fait le défi le plus grave auquel est confrontée la monnaie européenne depuis sa création. Les créateurs de l’euro avaient cru pallier l’absence d’un Etat et d’un budget fédéral par un « pacte de stabilité et de croissance ». Bien que le traité ait exclu tout renflouement d’un pays en difficulté, les marchés ont longtemps considéré que la zone euro constituait un tout. Tous les pays membres bénéficiaient de conditions de crédit avantageuses, proches de celles consenties à l’Allemagne. Certes des entorses au pacte auraient pu éveiller quelque soupçon : Italie et Belgique avaient été admises bien que leur endettement dépassât de loin la limite de 60% du PIB, les données statistiques venant de Grèce étaient douteuses, mais surtout les deux principaux pays de la zone, l’Allemagne et la France avaient obtenu en 2005 un assouplissement du pacte les exonérant de toute sanction financière pour déficit excessif.
Le climat d’inquiétude créé par la crise des crédits immobiliers américains contribua à dissiper les illusions concernant l’unité de la zone euro. La Grèce, dont le déficit budgétaire et l’endettement avaient été dissimulés, fut la première à susciter la méfiance de ses créanciers. La nécessité de lui venir en aide se heurta plusieurs mois durant à l’hostilité de l’Allemagne, bien que les banques allemandes eussent été les premières à souffrir d’un défaut grec. Ce temps d’attente imposé par la Chancelière Angela Merkel eut l’avantage de convaincre l’opinion grecque que le programme de rigueur qui lui était imposé était un moindre mal. Un accord associant le FMI intervint enfin dans la nuit du 10 mai 2010, mobilisant 750 millions d’euros. Le Fonds de stabilisation ainsi constitué empruntera sur les marchés en bénéficiant du triple A et prêtera à un taux plus élevé mais bien inférieur à celui qu’exigent des créanciers redoutant un défaut de remboursement.
L’Irlande allait être à l’automne la seconde cible de la méfiance des marchés. Son cas est différent de celui de la Grèce. Elle est le pays qui a tiré le plus de profit de son appartenance à l’UE, devenant en quelques années le plus riche, alors qu’elle en était jadis le plus pauvre. Son déficit gigantesque de plus de 30% du PIB s’explique par l’obligation où s’est trouvé le gouvernement irlandais de sauver des banques surdimensionnées et qui s’étaient livrées à une véritable orgie de crédits immobiliers. A la différence de la Grèce qui avait dû attendre pendant des mois le bon vouloir de l’Allemagne, le gouvernement de Dublin ne se résigna que péniblement à faire appel à une aide considérée par une large part de la population comme humiliante et attentatoire à la souveraineté nationale. En revanche, les partenaires de l’Irlande et les Autorités européennes souhaitaient une solution rapide afin d’éviter la contagion de méfiance qui menaçait de s’étendre au Portugal et à l’Espagne. L’accord intervenu fin novembre met l’Irlande à l’abri de la faillite. Le gouvernement irlandais s’est imposé un plan draconien d’économies comportant une baisse du salaire minimum et des allocations sociales mais s’est refusé, en dépit des pressions, à relever le taux de son impôt sur les bénéfices des sociétés qui, à 13,5%, lui a permis d’attirer nombre de firmes internationales, notamment américaines. Les plans d’assainissement grec et irlandais s’accompagnent de mesures sévères de restriction budgétaire dans la plupart des pays, y compris le Royaume-Uni qui ne fait pas partie de la zone euro mais qui participe cependant au sauvetage de l’Irlande.
Des progrès significatifs mais insuffisants
Le Fonds de stabilisation créé pour la Grèce et dont les interventions s’étendront à l’Irlande sera vraisemblablement pérennisé. La Banque centrale, dont le soutien aux banques en difficulté a joué un rôle décisif tout au long de la crise des crédits immobiliers, continue à intervenir pour assurer la liquidité des banques. La mise en place de trois agences de régulation, pour les marchés boursiers, pour les banques et pour les assurances et d’un comité de surveillance systémique auprès de la Banque centrale devrait réduire l’opacité des transactions et limiter la spéculation. Enfin une surveillance préventive des politiques budgétaires nationales s’appliquera dès 2011 dans la zone euro. Bien que ces mesures, dont certaines concernent l’ensemble de l’Union, représentent un progrès considérable, il n’est pas certain qu’elles apportent une solution durable à la crise, soit que l’Irlande et la Grèce ne puissent respecter les échéances de crédits assortis de taux d’intérêt relativement élevés, soit que la méfiance des marchés ne s’étende à d’autres pays. Les plans d’assainissement draconiens risquent de provoquer des troubles sociaux et politiques majeurs. La généralisation des politiques de rigueur menace l’économie européenne d’une longue période de stagnation. Enfin l’image de l’Europe est fortement détériorée à la fois auprès des débiteurs soumis à une cure d’austérité sans précédent et des principaux créditeurs, tout particulièrement allemands, irrités de payer pour l’imprévoyance de leurs partenaires. Le développement de l’euroscepticisme ne facilite évidemment pas la recherche de solutions coopératives par les gouvernements. Certains en viennent à prévoir l’éclatement de la zone euro, à tort car le coût pour tous, y compris l’Allemagne, serait inacceptable, sans parler de l’échec politique collectif qu’il signifierait pour les Européens.
Peut-on espérer un sursaut ?
Face au risque d’un prolongement, voire d’une extension de la crise, on peut souhaiter, sans trop y croire, qu’un sursaut se produise qui permettrait une sortie par le haut. Une déclaration en faveur d’un progrès concomitant de la solidarité et de la discipline rétablirait la crédibilité entamée de la zone euro. Les responsabilités de la crise sont partagées entre débiteurs imprudents et autorités européennes négligentes, Commission, Conseil et Banque centrale. Aussi serait-il justifié de consentir aux pays endettés des taux plus modérés et de plus longs délais pour le remboursement de leurs dettes, voire pour l’assainissement de leurs finances et le rétablissement de leur compétitivité. Transférer une part de l’endettement au niveau de l’UE aurait sans doute pour conséquence de faire baisser l’euro, ce qui serait un facteur favorable à la croissance et une réplique justifiée aux politiques de dumping monétaire pratiquées par la Chine et les Etats-Unis.
Enfin, pour compenser l’effet récessif des plans d’assainissement mais aussi pour donner une image plus positive de la politique européenne, conviendrait-il de mutualiser les moyens d’intervention en faveur des économies d’énergie, de la croissance verte, de l’innovation et de la recherche ainsi que de la lutte contre la pauvreté. Un budget fédéral alimenté par des ressources propres votées par le Parlement européen et complété par l’émission d’euro-obligations donnerait quelque chance au programme 2020 de ne pas connaître l’échec du décevant programme de Lisbonne. Les reproches qui sont adressés aux Allemands qui ont accompli de grands efforts pour mettre en ordre leurs finances lourdement affectées par le coût de la réunification sont contreproductifs et mal fondés. Cependant l’intérêt de l’Allemagne comme celui de ses partenaires est de préserver l’acquis politique, économique et humain que représente, au-delà de l’euro, l’Union européenne. Aussi n’est-il pas exclu que l’Allemagne, face à la menace d’un éclatement de l’euro, accepte un jour ce qui lui parait aujourd’hui inacceptable. Mais ses partenaires, notamment la France, devront comprendre que la solidarité ne saurait se limiter au domaine économique et monétaire. Seule une union politique d’inspiration fédérale pourrait assurer durablement l’avenir de l’euro.

19 décembre 2010

Retour à mon ancienne adresse

Paris, 19 décembre. Mon ancienne adresse " http://toulemon.blogspot.com " est redevenue opérationnelle. Ne plus utiliser celle-ci. Regrets pour le désagrément et meilleurs voeux de Noël.

Une panne de communication

Paris, 19 décembre. Pour une raison qui m’échappe, mes lecteurs n’ont pu trouver mes messages depuis celui du mois d’août sur les Roms. L’aide d’une de mes petites-filles, Elodie, me permet enfin de réparer cette panne. Vous pouvez donc si vous le souhaitez prendre connaissance de mes messages de septembre à décembre qui n’étaient accessibles qu’à partir d’une adresse modifiée. Mon ancienne adresse
« http:// toulemon.blogspot.com » est redevenue opérationnelle. J’adresse à mes lecteurs mes excuses en même temps que mes meilleurs vœux de Noël.

Pourquoi la crise actuelle donne raison aux fédéralistes.

Paris, 1er décembre. Les fédéralistes ont toujours affirmé que l’union monétaire demeurerait fragile tant qu’elle ne prendrait pas appui sur une union politique. La crise actuelle en apporte une éclatante confirmation. Elle trouve son origine dans l’inexistence d’un budget commun de nature à soutenir la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté, dans l’incapacité des institutions à faire respecter le pacte de stabilité dont même l’Allemagne s’est un moment exonérée pendant que tous mettaient à profit la protection de l’euro pour s’endetter à tout va. Les marchés, c'est-à-dire les détenteurs des créances sur les Etats surendettés, ont mis longtemps à déceler la faille du système, à savoir qu’en l’absence d’une solidarité politique totale, une créance sur la Grèce ou l’Irlande, pour ne pas citer les autres, bien que libellée dans la même devise, ne valait pas une créance sur l’Allemagne.
Il est douteux que les plans de sauvetage laborieusement échafaudés pour la Grèce puis pour l’Irlande suffisent à résoudre la crise, car ces pays ne pourront pas supporter les taux d’intérêt élevés qui leur sont imposés. Une solution durable consisterait à leur consentir des taux plus modérés et de plus longs délais pour l’assainissement de leurs finances. Cela supposerait une utilisation massive de la capacité d’emprunt de l’Union en même temps que la mise en commun des moyens d’intervention susceptibles de soutenir la recherche, la croissance, l’emploi et la lutte contre la pauvreté, autrement dit pratiquer le fédéralisme budgétaire recommandé par le président de la Banque centrale. Transférer l’endettement au niveau de l’UE aurait sans doute pour conséquence de faire baisser l’euro ce qui serait un facteur de retour à la croissance et une réplique justifiée aux politiques de dumping monétaire pratiquées par la Chine et les Etats-Unis. En même temps, l’affirmation d’une solidarité complète des membres de la zone euro rétablirait la crédibilité entamée de l’Europe en construction.
Le principal obstacle à cette politique n’est autre qu’un certain dogmatisme germanique coloré d’un euroscepticisme nouveau. Ce qui apparait comme un refus allemand de solidarité peut se comprendre. Les Allemands qui ont accompli de grands efforts pour mettre en ordre leurs finances en ont assez de payer pour les cigales imprévoyantes. Il appartient cependant à ceux qui ont toujours soutenu l’entente franco-allemande de rappeler à notre principal partenaire à quoi il s’expose en imposant des plans d’assainissement économiquement peu crédibles et socialement insupportables. Ces plans, à moins d’être profondément modifiés, ne peuvent conduire qu’à un éclatement de l’union monétaire se traduisant par des mouvements de change considérables et une nouvelle crise dont l’Allemagne serait la première victime, sans parler du recul dramatique du processus d’union qui demeure le seul gage d’avenir de notre continent.
Aux grands maux, les grands remèdes : budget commun alimenté par des ressources propres votées par le Parlement européen, recours significatif à la capacité d’emprunt de l’Union, discipline stricte des finances nationales et progrès dans l’harmonisation fiscale et la lutte contre la pauvreté. Tout cela est aujourd’hui parfaitement irréaliste, pas seulement du fait des Allemands mais aussi d’une vague souverainiste favorisée par la crise et d’une impopularité de l’Europe en train de devenir un épouvantail à l’égal du FMI. Faut-il attendre d’une aggravation de la crise le réflexe salvateur qui referait de l’Europe le motif d’espérance qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être ?

Messages de Novembre

Que devient la Défense européenne après l’accord Cameron-Sarkozy ?

Platier 2 novembre. Contrairement à l’accord de St Malo, le nouvel accord franco-britannique sur la Défense ne contient aucune allusion au concept de Défense européenne pourtant réaffirmé dans le traité de Lisbonne. On ne peut que se féliciter que sous la pression des nécessités budgétaires, Londres et Paris décident de mutualiser une partie de leurs efforts. Mais l’absence de toute référence à l’Europe de la Défense aura des conséquences. Elle contribuera à persuader aux Britanniques qu’ils peuvent sans inconvénient se tenir en marge de l’Europe politique, elle irritera d’autres partenaires, les Allemands dont le concours est cependant indispensable, les Polonais qui ont affirmé leur intention de mettre la Défense européenne parmi les priorités de leur présidence, sans parler des plus petits pays. Elle achèvera de marginaliser l’agence de Défense dont on se demande quel sera le rôle désormais. Enfin et c’est là le plus grave, elle contribuera à vider de contenu la politique étrangère et de sécurité commune. J’attends avec curiosité les commentaires de la baronne Ashton sur cet accord.

Bonnes nouvelles dans les Balkans mais…

Paris 8 novembre. L’UE a répondu à l’appel au secours de la Grèce submergée d’immigrants illégaux venant de Turquie en lui envoyant une équipe de garde-frontières. Les électeurs grecs semblent accepter la cure d’austérité qui leur est imposée en ne désavouant pas leur courageux Premier ministre lors des dernières élections. La Croatie et la Serbie ont accompli un premier geste de réconciliation inspiré par leur désir de se rapprocher de l’UE. Mais ces succès de l’Europe ne nous font pas oublier l’humiliation que nous inflige ces jours-ci notre faiblesse face à une Chine trop heureuse de mettre à profit notre absence d’unité.
Faiblesse structurelle du G20
Paris, 13 novembre. En l’absence d’un organe en charge de l’intérêt commun et de règles institutionnelles de prise de décision, le G20 souffre des défauts structurels propres aux assemblées interétatiques où règne la loi du plus fort ainsi que l’a fait observer Attali à partir de son expérience de sherpa de Mitterrand. Le G20 apparait comme un substitut à l’absence de réforme des Nations Unies. Sa création n’a été décidée par aucun traité ce qui limite sa légitimité et rend difficile la prise de décisions n’intéressant pas seulement ses membres mais l’ensemble de l’humanité.

Pourquoi un impôt européen serait dans l’intérêt des contribuables.

Paris, 21 novembre. Des personnalités éminentes de droite et de gauche, parmi lesquelles Jacques Delors, Tommaso Padoa-Schioppa, Alain Lamassoure, Pascal Lamy, Jean-Louis Bourlanges, Sylvie Goulard ont publié dans le Figaro un appel en faveur d’un retour à des ressources propres de l’UE qui permettraient de mettre fin au système des contributions nationales. Le principal argument à l’appui de cette proposition est celui d’un meilleur usage des fonds publics. Dans les domaines de la Défense, de la recherche, des réseaux, de la santé, un financement européen qui ne devrait pas s’ajouter mais se substituer aux financements nationaux serait un puissant facteur d’économie par l’élimination de nombreux doublons. Il serait aussi un élément de renforcement de l’union monétaire dont on voit qu’elle demeurera fragile tant qu’elle ne prendra pas appui sur une union politique et fiscale. Malheureusement, l’attitude de l’Irlande qui fait la fine bouche devant une aide européenne qui aurait pour contrepartie un début d’harmonisation fiscale en dit long sur la résistance des souverainetés nationales.
Faiblesse de la présidence européenne

Paris, 12 octobre. Lors de la récente réunion entre Asiatiques et Européens à Bruxelles en présence des chefs de gouvernement, les Asiatiques semblent avoir hésité à accepter que la présidence européenne soit assurée par M. Van Rompuy et non par l’un des chefs de gouvernement. Cet incident est révélateur du chemin qui reste à parcourir pour que l’UE soit reconnue sinon comme une puissance – elle en est encore loin -- mais comme un acteur mondial. On voit aussi par là ce que l’Europe gagnerait en réunissant sur la même tête les fonctions de président du Conseil européen et de la Commission européenne, tout comme Mme Ashton réunit sur sa tête les fonctions de vice-présidente de la Commission et de présidente du Conseil des ministres des Affaires étrangères.

Une Europe active mais invisible

Paris 21 octobre.
Des décisions importantes démentent l’impression de paralysie que donnait l’UE depuis des mois : création d’un système de supervision financière, réglementation des fonds spéculatifs, renforcement du pacte de stabilité et de croissance, ouverture d’un dialogue avec la Russie. Mais ces bonnes nouvelles sont largement passées inaperçues et pas seulement à cause de la crise des retraites. Un grand débat s’engage sur le financement de l’Union pour lequel la Commission propose la création de ressources qui lui soient propres, c'est-à-dire le transfert de certaines ressources fiscales à l’Union, faute de quoi le programme 2020 connaîtrait le sort du programme de Lisbonne. Le Parlement européen semble favorable. Mais l’exigence d’unanimité au Conseil ne permet guère d’être optimiste. Une mobilisation générale de l’opinion sur le thème « arracher l’Europe au déclin » serait nécessaire. D’où pourrait-elle venir ?

Hommage à Max Kohnstamm

Platier, 27 octobre Avec Max Kohnstamm disparait un des derniers proches collaborateurs de Jean Monnet. Après avoir participé aux négociations d’où sortira la première Communauté européenne, celle du charbon et de l’acier, il deviendra, en 1952, le premier secrétaire général de la « Haute Autorité ». Après l’échec du projet de Communauté de Défense, il accompagnera Monnet au comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe dont il sera le secrétaire général. Tous ceux qui ont eu la chance de connaître Max Kohnstam gardent le souvenir d’un homme inébranlable dans ses convictions, modeste dans leur expression, d’une finesse et d’une lucidité sans égales. On imagine le chagrin qu’il dut éprouver après les deux référendums de 2005, alors que les Pays-Bas opposèrent un non encore plus net que celui de la France au projet de traité constitutionnel européen. Sa disparition coïncide avec la mise en place, sous l’autorité de madame Ashton du nouveau Service européen d’action extérieure dont l’ambassadeur Pierre Vimont sera le secrétaire général. Puisse la nouvelle diplomatie européenne s’inspirer de l’engagement et de la sagesse de ce grand Européen.

Finance et Défense : progrès et stagnation

Paris, 1er octobre. La création enfin décidée, avec l’accord du nouveau gouvernement britannique, de trois agences de supervision financière pour les marchés à Paris, pour les banques à Londres, pour les assurances à Francfort, marque un incontestable progrès qui eût été impensable avant la crise. La mise au point de la discipline budgétaire et des sanctions en cas de manquement se révèle plus laborieuse, plusieurs pays dont la France refusant le système automatique proposé par l’Allemagne et la Commission.
Ce matin, lors d’un colloque du Centre international de Sciences Po, l’ancien ministre Jouyet a regretté les réticences françaises face à une récente proposition polonaise de création d’une avant-garde germano - franco - polonaise dans ce domaine. L’ambassadeur polonais Orlowski a confirmé cette information et s’est étonné de l’absence de toute référence à la Défense européenne dans le récent discours du président Sarkozy aux ambassadeurs, préférence semblant être désormais donnée à la coopération bilatérale avec Londres.

Note pour le Mouvement européen

Paris, 5 octobre. Ceux qui ont lu mon dernier blog comprendront les raisons de mes propositions au Mouvement européen. La réaction du ministre Hervé Morin contre l’initiative polonaise lors d’une réunion du Nouveau Centre était diamétralement opposée à celle de l’ancien secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet. Le même Jouyet s’est élevé contre l’opinion répandue en France suivant laquelle l’UE à 27 ne pourrait rien faire à cause des nouveaux membres, alors que ce sont les disputes des trois « grands » qui paralysent l’Union.
Voici mes propositions :
Importance des décisions de septembre sur la supervision financière et la prévention du risque systémique. Ces décisions de grande portée sont passées inaperçues. Voir l’article de Lamassoure dans le dernier numéro de la Revue Politique étrangère. Il appartient au MEF de les faire connaître.
Eclaircissement sur l’ingouvernabilité de l’Union. Les insuffisances de l’UE en politique étrangère, le refus d’équilibrer les politiques nécessaires d’assainissement budgétaire par un accroissement substantiel des financements communautaires, d’élargir à cette fin le budget commun, de créer des ressources propres, d’utiliser les capacités d’emprunt de l’UE ne sont pas le fait des nouveaux adhérents mais plutôt des plus grands pays, y compris la France. A contrario, les décisions de septembre ont montré que l’Union à 27 fonctionne quand ceux-ci s’entendent.
Soutenir les efforts enfin entrepris par la Commission et le Parlement en vue de créer des ressources propres et d’autoriser le recours à des emprunts européens en vue de financer le programme Europe 2020.
Tendance à substituer la coopération bilatérale franco-britannique au concept de Défense européenne que récuse le nouveau gouvernement britannique alors que la Pologne souhaite mettre de thème parmi les priorités de sa présidence. Un contact avec les Polonais serait intéressant.
Mode d’élection du Parlement et partis transnationaux. Ne pourrait-on exiger que les candidats se rattachent à un parti transnational. Chaque parti devrait se présenter dans un nombre minimum de pays et proposer solennellement un programme européen au moins deux mois avant l’élection. Voir à ce sujet les propositions présentées récemment par Alain Lancelot dans la Revue Commentaire.

Leçons à tirer de l’affaire des Roms

Paris, 24 septembre Après une interruption résultant de problèmes de connexion qui me demeurent mystérieux, je reprends mes commentaires personnels de l’actualité européenne. Le moment est venu de tirer les leçons de l’affaire des Roms. La première est le rappel bienvenu de la dimension politique et humaine et pas seulement économique de l’Union européenne. La deuxième est la règle de respect mutuel qui doit marquer les rapports entre les institutions de l’Union et entre celles-ci et les autorités nationales. La troisième est la nécessité d’un contrôle plus strict de l’usage que les dites autorités font de l’argent qu’elles reçoivent de Bruxelles, ce qui suppose que les Etats membres acceptent et facilitent ce contrôle, ce qui n’est pas toujours le cas. La quatrième est l’urgence d’un programme destiné à éliminer les poches de grande pauvreté qui demeurent et pas seulement celles dont souffrent les Roms. Parmi les maladresses dont nos autorités se sont rendues coupables dans cette malheureuse affaire, on a surtout retenu la stigmatisation des Roms. Tout aussi grave et gravement préjudiciable à notre influence en Europe me parait être l’habitude de nous prévaloir de notre qualité de « grand » pays, au mépris d’un des principes fondamentaux de l’Union : l’égale dignité des Etats membres qui ne fait pas obstacle à des droits de vote variant en fonction des populations respectives.

Hubert Védrine et la fédération d’Etats-nations

Platier, 10 septembre. Dans un entretien donné au journal La Croix, l’ancien ministre des Affaires étrangères se rallie au concept delorien de la fédération d’Etats-nations avant de déclarer de manière catégorique : « Je ne suis pas fédéraliste » Je me propose de lui demander une explication au sujet de cette contradiction sémantique. En attendant, l’actualité se charge de nous montrer ce que les Européens perdent, en terme d’influence mondiale à se présenter en ordre dispersé, à déterminer leur position à l’unanimité, à ne pas disposer, sauf en matière commerciale, d’un porte-parole commun. Ainsi l’accord très bienvenu obtenu à Bruxelles sur la régulation financière ne garantit en rien que l’Europe sera capable de défendre une position commune sur cette question capitale dans les enceintes mondiales. On risque de voir se répéter le spectacle de Copenhague à propos du climat. Autre exemple désolant de la faiblesse collective des Européens : leur absence de la conférence entre Israël et les Palestiniens, dont le succès bien incertain repose entièrement sur l’autorité du seul président des Etats-Unis.