20 juin 2008

Gordon Brown sauveur du traité de Lisbonne ?

Platier, 20 juin. Après un vote ultime de la Chambre des Lords, la reine a signé hier l’acte de ratification par le Royaume-Uni. Ainsi le premier ministre Gordon Brown qu’on prétend eurotiède n’a pas saisi le prétexte du vote des Irlandais pour suspendre ou retarder le processus de ratification. Désormais l’obstacle principal se situe à Prague où le Parlement est divisé et le président Klaus violemment europhobe. Le gouvernement sera-t-il en mesure d’imposer au président une signature qu’il sera porté à refuser ? En cas de défaillance des Tchèques, le même choix devrait leur être proposé qu’aux Irlandais : se rallier à la majorité ou transformer leur adhésion en simple association, suivant le modèle norvégien ou suisse.
Autre sujet d’inquiétude, le désaccord franco-allemand sur un éventuel plafonnement de la TVA sur les carburants. Notre situation budgétaire nous place en bien mauvaise position pour proposer des mesures visant à réduire les recettes fiscales, au risque en outre d’atténuer l’effet dissuasif de la hausse des prix sur la consommation.
La Commission est invitée à faire des propositions sans qu’une orientation lui soit indiquée. On lui souhaite bien du plaisir. Le Conseil européen n’a pas non plus jugé utile de s’interroger sur le fossé qui s’est creusé entre les élites et les peuples, ni sur le bien-fondé de la règle d’unanimité pour toute révision des traités. C’eut été trop demander !
Je me mets en congé de blog pour deux semaines. Rendez-vous le 7 juillet

15 juin 2008

Le non dfes Irlandais ne doit pas être pris à la légère

Platier, 15 juin. L’histoire de la construction européenne est ponctuée de succès mais aussi d’échecs, celui de la Communauté de Défense en 1954, du plan Fouchet en 1962, du traité constitutionnel en 2005. Les échecs ont été surmontés mais toujours au prix d’un retard dans l’intégration et d’un amoindrissement des ambitions. Le rejet du traité de Lisbonne par le peuple irlandais, en dépit des avantages dont l’Irlande a bénéficié et malgré les prises de position quasi-unanimes des cadres du pays, ne doit pas être pris à la légère. Il revêt selon moi une gravité exceptionnelle et ceci pour deux raisons. Tout d’abord, les chances de sauver le traité sont faibles quoiqu’en disent les dirigeants français et allemands. Les eurosceptiques britanniques et tchèques, en tête desquels le président Klaus proclament déjà la mort du traité et demandent l’arrêt du processus de ratification. En second lieu, le vote des Irlandais, après celui des Français et des Néerlandais démontre le lamentable échec des élites politiques, sociales, économiques, intellectuelles, spirituelles de la plupart de nos pays à faire percevoir aux citoyennes et citoyens ordinaires, aux jeunes en particulier, la véritable dimension de l’entreprise européenne. On ne tombe pas amoureux d’un marché disait Jacques Delors. Non l’Europe n’est pas qu’un marché. C’est le seul grand dessein à notre portée, un moyen inespéré d’échapper au déclin que nous promet notre affaiblissement démographique dans un monde de colosses émergents, une recette pour défendre ensemble nos intérêts plutôt que nous affaiblir dans ces conflits sans fin qui ont jalonné notre Histoire, une entreprise sans précédent de construction d’une nation de nations modèle de réconciliation que tant de régions du monde nous envient sans se montrer capables de le reproduire et qui s'imposera à l'échelle mondiale pour faire face aux défis planétaires.
Certains rêvent d’une Europe des projets qui se substituerait à celle des institutions, comme si les projets pouvaient se passer d’un cadre institutionnel légitime et efficace. D’autres rêvent d’une avant-garde fédérale dont s’excluraient les sceptiques. Mais où est la volonté politique extrêmement forte sans laquelle un tel projet ne pourrait surmonter les oppositions de tous ceux qui refusent une Europe forte et plus encore si elle devait s’organiser sans eux. Au-delà de la recherche nécessaire d’une sortie de cette nouvelle crise, l’essentiel pour nos dirigeants est de parvenir à faire « aimer l’Europe ». C’est ce qui explique le titre donné à mon dernier livre. Il reste hélas plus actuel que jamais !

10 juin 2008

Le referendum irlandais ou la démonstration par l'absurde

Paris, 10 juin. Que le sort d'un continent dépende de l'humeur des seuls Irlandais met en lumière deux absurdités du mode de révision des traités européens.
En premier lieu, il est déraisonnable et même contraire aux exigences démocratiques de demander aux simples citoyens de se prononcer sur des textes qu'ils ne sont pas en mesure de lire ni de comprendre s'ils avaient le courage de les lire. Le referendum ne se justifie que pour des questions simples, claires et qui puissent s'exprimer en peu de mots.
En second lieu, dans une Union de près de trente membres, la révision des traités ne peut être soumise à la règle d'unanimité qui a pour résultat qu'un seul puisse imposer sa volonté à tous les autres. Il est aisé de concevoir une autre procédure démocratique et respectueuse des souverainetés. La réforme serait adoptée dès lors qu'elle serait approuvée par une majorité d'Etats à définir (deux tiers ou trois quarts) représentant la majorité de la population de l'Union. Les pays minoritaires auraient le choix de se rallier à la majorité ou de se retirer de l'UE et de négocier un accord d'association. Si l'on souhaitait néanmoins recourir au referendum, celui-ci devrait intervenir le même jour dans tous les Etats membres, les citoyens étant informés des conséquences d'un éventuel vote négatif.
Il est inadmissible que le pays qui a tiré le plus de profit de son appartenance à l'Union pusse condamner l'Union à une paralysie durable. Le pire n'est jamais sûr mais il faudra tirer les leçons de cet épisode quel que soit le résultat.

06 juin 2008

Un surprenant article du Financial Times

Paris, 6 juin. Un article paru dans le Financial Times rapporté dans l’excellente lettre « Oui à l’Europe » de Francis Fontaine du 6 juin se prononce vigoureusement en faveur d’une adhésion du Royaume-Uni à Schengen et à l’euro, faute de quoi le Royaume demeurera dans une position marginale. L’auteur de l’article, Willem Buiter, écrit cette phrase surprenante dans un journal britannique : « The future of Europe is federal » Quel lecteur de ce message pourra me dire qui est ce Willem Buiter ?

02 juin 2008

Nos contradictions face à la hausse des prix du pétrole

Paris, 2 juin. De retour après un bref voyage aux USA, je retrouve les contradictions françaises. Alors que tout commande la réduction de nos consommations de combustibles fossiles et d’émission de CO2, nous envisageons de subventionner pêcheurs, camionneurs, taxis et agriculteurs douloureusement frappés par la hausse des prix du pétrole. Ne serait-il pas plus raisonnable de reconnaître et d’accompagner la nécessité d’une reconversion partielle de ces activités ? Trop de pêcheurs recherchent des poissons en voie de raréfaction si bien que le tonnage de gazole par tonne de poisson pêché ne cesse d’augmenter, trop de camions encombrent nos routes pour des transports souvent irrationnels ou que le fer ou le cabotage maritime pourraient assurer s’ils étaient mieux organisés, trop d’agriculteurs utilisent trop d’engrais et de pesticides ou herbicides coûteux et dangereux. Demandons à l’Europe de faciliter ces reconversions et non d’abaisser la TVA ou d’accroître des quotas de pêche déjà jugés excessifs par les scientifiques. Le refus prévisible et justifié des subventions, allègements fiscaux et autres mesures démagogiques permettra une fois de plus de faire porter le chapeau à « Bruxelles ».